Nationalisme et National-socialisme

NATIONALISME ET NATIONAL-SOCIALISME

(Texte initialement publié le 17-Jan-2021.)

Iñaki Aginaga

La nouvelle offensive du Nationalisme espagnol dans les Territoires basques occupés obéit à des causes et des circonstances bien déterminées. La classe dirigeante considère que:

1/ Le plan d’adaptation et de stabilisation du régime Franquiste a été réalisé dans ses grandes lignes.

2/ Le risque de fracture a disparu de la société espagnole, dès lors que l’ancienne opposition s’est ralliée aux vainqueurs, et elle aspire seulement à se rendre utile et à obtenir sa juste part dans l’assiette au beurre.

3/ Le “problème basque” est sous contrôle, la Résistance nationale étant maintenue au niveau infrastratégique avec le concours direct ou indirect, acheté ou récupéré, du conglomérat Pnv-Eta.

4/ L’opposition et la conscience nationales du Peuple Basque n’ont pas pour autant disparu ni même diminué, “comme elles auraient dû le faire”, sous le monopole de la violence, le Terrorisme d'Etat, le conditionnement idéologique, la soumission économique, la corruption administrative, la “centralisation autonomique”, la répression exaspérée de toutes les libertés et – avant tout – du droit fondamental de libre disposition ou autodétermination de tous les Peuples: premier des droits humains fondamentaux et condition préalable de tous les autres.

5/ Si l’actuelle absence de stratégie et de classe politique condamne l’opposition démocratique du pays occupé à l’inefficacité et aux ersatz de résistance politique, on ne saurait garantir qu’une nouvelle situation ne pourrait se produire qui modifierait la distorsion entre base sociale, classe politique et stratégie, modifiant par là-même le rapport de forces établi.

6/ Les conditions de possibilité, nécessité et urgence absolue sont ainsi réunies pour poser une nouvelle offensive destinée à briser les reins - avant qu’il ne soit trop tard - aux forces de liberté que la guerre et la dictature du Général Franco et de ses héritiers ne sont pas parvenues à éradiquer.

Cependant, ce qui attire ici cependant notre attention c’est le comportement des Nationalistes français, qui ont immédiatement emboîté le pas à leurs alliés les espagnols. Les Espagnols méprisent et détestent les Français. Les Français méprisent trop les Espagnols pour les détester. (Ils en arrivent même à croire qu’ils les aiment et qu’ils en sont aimés: syndrome habituel des races, peuples ou classes de seigneurs et aristocrates envers leurs inférieurs, esclaves et serviteurs.) Mais leur objectif commun: la liquidation du Peuple Basque, oblige Espagnols et Français à surmonter leur dégout mutuel et à collaborer. À cet égard, nous nous concentrerons spécifiquement sur l’attitude des National-socialistes/communistes françaises.

I

“Je suis antinationaliste, de la même façon que d’autres sont anticapitalistes. Comme le disait Jaurès, dans mon opinion le nationalisme porte en soi la violence comme les nuages portent la tempête. Il n’y a pas de nationalistes durs ou modérés, il n’y a que des nationalistes et c’est tout, et il faut les isoler. Le nationalisme est la peste de la bourgeoisie basque. Je ne dénie pas à ces gens le droit de penser différemment; je leur dénie le droit à la violence. Celui qui prend une arme connaît les risques; qu’il les accepte et c’est tout, et qu’il n’envoie pas les gens pleurer ou manifester. Ils se diront de gauche mais ils s’allient au RPR. Ils me font exploser de rire. Ils ne sont que des nationalistes et c’est tout.

“Nous ne devons pas oublier que Hitler arriva au pouvoir par la voie démocratique. Les municipalités sont la base de la démocratie et des institutions républicaines. Les nationalistes entrent dans les municipalités pour pervertir les fondements de la démocratie française, pour mettre en doute l’unité de la République et le pacte républicain. S'ils choisissaient leur propre liste, dans le respect de la démocratie, je serais d'accord. Pourquoi pas, si c'est pour défendre les valeurs de la gauche? Mais je ne crois pas que ce soit le but des nationalistes. [!] Mais il y a aujourd'hui danger si ces gens rentrent dans les institutions démocratiques qu'ils nient. Je voudrais bien voir si ces gens vont le 11-Novembre devant les pierres du souvenir; s'ils se mettent au ‘garde-vous’ quand les trois couleurs du drapeau français montent au mât, aux accords de la Marseillaise; s'ils s'inclinent devant ceux qui ont lutté pour la République française.

“J’ai toujours fait le choix de la fidélité aux valeurs démocratiques, du contact permanent avec le terrain et du parler vraie. C’est aussi faire le choix d’une certaine éthique politique. Dans la clarté, toujours dans la clarté. La vie politique doit être claire. Je refuse le double langage. Nous condamnons l’alliance de la majorité sortante et des nationalistes. Nous n’acceptons pas les compromissions électoralistes et le double langage de certains. Lorsque je vois les candidats RPR et UDF avec les nationalistes, j'y vois des alliances contre nature. Lorsqu’elle s’est fourvoyée dans une alliance avec le PNV et les abertzales [sic], la droite angloaye a mis entre parenthèse les principes républicains et joué à l’apprenti sorcier. Vous êtes nombreux à vous en inquiéter. [Cfr. Maitia: ‘Dei berezi bat luzatzen die abertzaleei, elgarrekin lan egin behar dutela geroari buruz’.]

“Si vous voulez absolument sur le plan national que tous les pouvoirs de décision soient concentrés dans les mains du parti unique de Chirac, alors confiez votre avenir et celui de tous vos proches pendant 5 longues années dans les seules mains de Chirac et de son parti unique. Dimanche 16 Juin vous avez l’occasion de rompre avec cette logique antisociale et antidémocratique en votant: Espilondo.” (Quelques jours plus tard: “Le premier tour de l’élection présidentielle nous a plongées dans l’inquiétude. Vous êtes sans doute nombreux à avoir été comme moi surpris et atterrés par la menace d’extrémisme et d’intolérance qu’il faisait planer.” Conclusion logique – et pratique: “Concentrer les votes pour la droite”.)

“Je suis révulsé par de tels propos. [Il s’agit là des propos et des affiches traitant Espilondo d’anti-Basque, et de Fascistes à la croix gammée les agents du Nationalisme franco-espagnol.] Je ne peux que constater cette monté irrationnelle de la haine de l’autre. Nous devons être méfiants. Nous devons nous méfier de ceux qui répandent des idées de haine. Notre circonscription est le témoin de faits multiples, contraires aux valeurs républicaines, commis au nom d’un certain nationalisme basque. Ces faits sèment la division, le conflit et la haine parmi nous. Quel gâchis! J’aime à dire que je suis ‘sur d’être basque et fier d’être français’. Ouvrons plutôt, ensemble, pour la paix, pour la fraternité et pour une action culturelle audacieuse et de qualité. [Ç’est à dire, française.]

“La langue basque fera des progrès quand elle ne sera plus sous la coupe des nationalistes: la langue basque ne doit pas être séquestrée par personne. [Cfr. Sarkozy: ‘Retenez bien ceci: Plus la langue basque se tiendra éloignée de la politique, et mieux se portera’.] Le basque a disparu parce que les gens ne lui trouvaient aucune valeur. Certains disent que parler basque était pénalisé. Pourtant mes parents tenaient un commerce à Mauleon et là tous parlaient en basque comme ils le voulaient. L'égalité demande une langue que connaissent tous. Dire que le basque doit être dans les Services Publics montre une claire connotation politique. Sera-t-il sauvé en l’enseignant? Le latin et le grec sont enseignés et voyez dans quel état ils sont! Je suis absolument contraire à l’officialisation de la langue basque. En plus, cela ne changerait rien. Allons-nous mettre à Anglet un fonctionnaire parlant le basque pour dix malheureux Basques? Une solution peut être d'obliger massivement la population à le parler; mais je crains que derrière ces mesures sérient les objectifs nationalistes. Je ne suis pas d'accord pour enfermer le basque dans un ghetto communitaire. L'Education Nationale s'est montrée très ouverte. Seaska ne l'accepte pas parce qu'il joue avec une perspective politique.” (L’Education Nationale et Espilondo lui-même ne l’ont pas? L’impérialisme a une autre vision politique, bien sûr, qui vise à liquider la langue du pays occupé.)

Ainsi parle Espilondo, porte-parole, théoricien et représentant du Parti ‘socialiste’ Français (PsF) et de la “gauche plurielle” nationaliste, comme le font ses alliés nationalistes écolo-communistes. Pourquoi pas, si c’est pour bien faire?

“Quoique” d’origine basque, le nouveau théoricien local et porte-parole attitré du PsF n’est pas ou n’est plus un rustre ou un ignorant. En assumant avec toutes les conséquences le nationalisme et la culture de la nation dominante il ne s’est pas simplement comporté en personne avisée et soucieuse de son avenir: il est aussi devenu un homme cultivé, il a lu des bouquins et tout et, bien entendu, connaît sur le bout des doigts ses classiques, les grands classiques du national-socialisme français. On y reviendra, sur les textes “de Jaurès” et sur le reste.

Son collègue Labarrère ajoute: “Le Ps condamne le terrorisme de toutes origines. Il faut se farcir les basques. Si on leur donne un département, ils buteront leur préfet. La voie démocratique la plus large permet l’expression de tous par le droit de vote”. (Le sénateur Moulin, son collègue, désignait Labarrère comme le plus remarquable ringard au “temple des ringards” que la Haute Assemblée risquait de devenir.)

Si le PsF collait à la ligne du PsoE: qui se confondait avec le parti franquiste au pouvoir, le Parti ‘communiste’ Français (PcF) ne pouvait pas prendre du retard sur les ci-devant sociaux-traîtres et sociaux-chauvins du PsF, dont il avait adopté, en les dépassant, toutes les idées les plus réactionnaires. Mais, pour fonder et justifier leur soutien sans réserve au Nationalisme impérialiste et au Terrorisme d’Etat françaises, sa bureaucratie ne pouvait toutefois en référer aux “textes” du social-opportuniste bourgeois Jaurès, même extrapolés, détournés et falsifiés par Espilondo. Moins encore – et pour cause – à l’autorité toujours gênante et désormais peu recommandable de Lénine.

“Les communistes condamnent avec vigueur le terrorisme, les assassinats et le racket pratiqués par l’Eta. Durant les sommets de Biarritz et de Nice les nationalistes basques se sont livrés à des violences inadmissibles, en particulier en profanant le monument aux morts d’Anglet. Les nationalistes refusent de condamner les actes de l’Eta. Le nationalisme est un danger. Les nationalistes, ici comme ailleurs en Europe et dans le monde, visent à faire de l’autre un étranger, un ennemi. Il y aurait les ‘purs’, qui adoptent le projet indépendantiste, et les autres (y compris basques) qui sont voués à être des cibles. C’est en cela que le nationalisme est dangereux parce qu’il s’apparente au fascisme. Les indépendantistes ne sont pas de gauche; ils sont d’extrême droite. Dès lors, nous dénonçons les alliances douteuses entre les nationalistes et les maires de droite. Avec Camblong c’est pire qu’avec la droite. Les communistes continueront avec beaucoup d’autres à combattre le nationalisme, le terrorisme. Ils persisteront à agir pour la paix, pour un Pays Basque heureux, pour promouvoir la culture basque dans son ensemble (langue, sport, art culinaire etc...)”, dit le PcF, toujours incorruptible ennemi de la liberté des peuples. (On y reviendra aussi.)

Maintenant que “les ours savants, les chacals, les tartuffes hideux, nauséabonds et répulsifs, les chiens enragés, les reptiles répugnants, les rats visqueux et les vipères lubriques fascistes, social-démocrates et trostkystes-boukharinistes” ne font plus l'affaire, le PcF se concentre sur les “nationalistes” basques, corps étranger susceptible de polariser le Nationalisme exclusif, haineux et xénophobe qui a toujours inspiré et vitalisé le colonialisme français.

Et lorsque le mouvement national-écologiste français s’est incorporé à la coalition il savait aussi où il se fourrait. Ecologie et nationalisme français sont désormais la même chose. Il n’y a pas de place pour la liberté des Peuples dans l’écosystème fasciste.

II

La mise à contribution des “allogènes russifiés” dont parlait Lénine, qui sont censés connaître le terrain et “forcent la note en l’occurrence”, est aussi de tous les temps et dans tous les pays occupés. Convertis, néophytes, soumis, vendus et renégats de tout poil vont toujours plus loin que leurs maîtres et modèles dans les tâches qui leur sont imparties.

L’allogène russifié “lâche dédaigneusement des accusations de ‘social-nationalisme’; alors qu’il est lui-même non seulement un vrai, un authentique ‘social-national’ mais aussi un brutal argousin grand-russe”. L’allogène francisé lâche dédaigneusement des accusations de nationalisme à l’encontre des nationaux de la nation opprimée; alors qu’il est lui-même non seulement un vrai, un authentique nationaliste mais aussi un brutal oppresseur au service de la nation dominante.

Le mépris et la haine toute naturelle des Nationalistes envers les Peuples opprimés, se trouvent encore renforcés chez les renégats par la rancune, les complexes et les implexes spécifiques de leur psychologie propre. Le mépris passif et le mépris de soi sont l'adaptation du colonisé au mépris du colonisateur. Pour la mentalité impérialiste le “portrait du colonisé” est le “portrait du colonisateur” en négatif. Le colonisateur est l’inverse positif du colonisé.

Or, selon Memmi, “La première tentative du colonisé est de changer de condition en changeant de peau. Un modèle tentateur et tout proche s’offre et s’impose à lui: précisément celui du colonisateur. [...] L’ambition première du colonisé sera d’égaler ce modèle prestigieux, de lui ressembler jusqu’à disparaître en lui. [...] L’amour du colonisateur est sous-tendu d’un ensemble de sentiments qui vont de la honte à la haine de soi. L’outrance dans cette soumission au modèle est déjà révélatrice. [...] Le colonisé ne cherche pas seulement à s’enrichir des vertus du colonisateur. Au nom de ce qu’il souhaite devenir il s’acharne à s’appauvrir, à s’arracher de lui-même. [...] L’écrasement du colonisé est compris dans les valeurs colonisatrices. Lorsque le colonisé adopte ces valeurs il adopte en inclusion sa propre condamnation. Pour se libérer – du moins le croit-il – il accepte de se détruire. Le phénomène est comparable à la négrophobie du nègre, ou à l’antisémitisme du juif.” Il en résulte “l’effort obstiné du colonisé à surmonter le mépris que méritent son arriération, sa faiblesse, son – il finit par l’admettre – altérité; sa soumission admirative, son souci appliqué de se confondre avec le colonisateur, de s’habiller comme lui, de parler, de se conduire comme lui”. (Albert Memmi; ‘Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur’, 1957.)

Le Nationaliste espagnol ou français de souche part d’un sentiment “positif” envers “la puissance et la grandeur” de son pays ; ce qui induit en lui un sentiment négatif de mépris et de haine envers le peuple dominé, qu’il perçoit en tant qu’obstacle, corps résistant à son propre “développement”. Le Renégat part d’un sentiment négatif envers son pays d’origine, dont dérive un sentiment “positif” envers le peuple “supérieur” susceptible de l’arracher à ses misérables racines, en arrachant aussi pour plus de sécurité les racines et la terre. Le nationaliste français de souche est français d’abord; anti-basque par voie de conséquence. Le Renégat est anti-basque avant tout, français ensuite. Il deviendrait n’importe quoi d’autre, pourvu qu’une quelconque puissance lui paraisse en mesure de détruire ce pays d’origine dont la liquidation est pour lui condition nécessaire de normalisation, justification et récupération culturelle, psychologique et sociologique.

“Gilbert Folliot, prudent : L’amitié du roi pour Thomas Becket est morte, Altesse ?

“Roi Henri II : Soudainement, évêque. Une sorte d’arrêt du cœur. [...] Je hais Becket, évêque, maintenant. Entre cet homme et moi, il n’y a plus rien de commun que cette bête qui me laboure le ventre. Je n’en puis plus. Il faut que je la lâche sur lui. Mais je suis le roi, [et] ce qu’il est convenu d’appeler ma grandeur m’embarrasse : je besoin de quelqu’un. [...] On trompe quelquefois sur les hommes, évêque. Moi, aussi, je me suis trompé. (Il crie soudain : ) Ô mon Thomas !

“Gilbert Folliot, s’écrie : Vous l’aimez, Altesse ! Vous l’aimez encore. Vous aimez ce porc mitré, cet imposteur, ce bâtard saxon, ce petit voyou !

“Roi Henri II  lui saute dessus, criant : Oui, je l’aime ! Mais ça ne te regarde pas, curé. Je ne t’ai confié que ma haine. Je vais te payer pour m’en défaire, mais ne me dis jamais du mal de lui ! (Jean Anouilh; ‘Becket, ou l’Honneur de Dieu’, 1959.)

La haine, si apparente et caractéristique chez les renégats, est le résultant de ressentiments, de déceptions, de frustrations, de complexes œdipiens ou autres dont on rend responsable le pays d’origine. “La agression physique et la volonté de détruire ne sont pas la seule réplique à la frustration, mais sont une des répliques possibles et peut-être la réplique spontané.” “Il existe un mécanisme de comportement bien différent de celui de la agression. C’est la haine, ce vilain petit frère du grand amour.” “Probablement on ne peut vraiment haïr que là où on a aimé et où, en dépit des toutes les dénégations, on aime toujours.” “Phénomène remarquable, généralement peu connu des profanes, qu’on appelle ‘ambivalence affective’. Une des manifestations de cette ambivalence est représentée par la coexistence très fréquente, chez la même personne, d’un amour intense et d’une haine violente. A cette observation la psychanalyse ajoute que ces deux sentiments opposés se portent en outre fréquemment sur le même objet.” “Ce qui il y a de primitif dans notre vie psychique est, au sens littéral du mot, impérissable.”

Ce n’est que de façon inadéquate que certains font usage à ce propos des termes comme “collaboration-collaborationniste”. Bonnard, Bousquet, Brasillach, Brinon, Bucard, Cousteau, Darnand, Déat, Deloncle, Doriot, Drieu, Laval, Luchaire, Pétain, Rebatet, Suarez et tant d'autres ont été des Collaborationnistes, et fiers de l'être. Eux aussi ont légitimé et renforcé l'occupation militaire, et participé à la répression dans leur propre pays ; mais ils n'ont jamais prétendu que c'était là un régime démocratique, non-Nationaliste et non-violent. Ils n'ont jamais essayé de démembrer leur pays au profit des Etats voisins, comme le font les Renégats “basques”. Ils n'ont jamais voulu l'annexer au Reich. Ils ont même pensé et dit qu'ils savaient et pouvaient manier et berner les occupants au profit de la France, à fin de conserver l'empire français sous protectorat allemand.

Ils n'ont jamais dit que les Français étaient des Allemands, ou que les Allemands étaient en France des Français “avec une sensibilité différente” ; ni que leur Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands était en France un parti aussi français, légitime et démocratique que les autres. Ils n'ont jamais qualifié la langue allemande de langue de la République, et le dialecte français de langue régionale faisant partie du patrimoine allemand. Ils n'ont jamais obligé les enfants des écoles à chanter “Deutschland über alles” en hommage à leurs ancêtres les Teutons, devant des monuments à la gloire de la Wehrmacht. Ce serait leur faire affront que de mettre ces Collaborationnistes dans le même sac où sont les Traîtres et Renégats “basques” qui, dans les Territoires occupés du Peuple Basque, font carrière en s'affairant délibérément et en toute conscience à la liquidation pure et simple de leur Peuple d'origine, et à l’acceptation : comme s’ils étaient les leurs, des Peuples et Parties des Nations dominants; tout comme le font les autochtones membres de la bureaucratie liquidationniste Pnv-Eta et des partis Nationaux-impérialistes français et espagnols. Il ne faut pas mélanger les genres, en mettant Collaborationnistes et Traitres/Renégats dans le même panier.

III

Ce que disent ici et maintenant Espilondo, Maitia et Borda, ce que les monopoles médiatiques diffusent aujourd’hui, à l’abri de toute contestation possible, c’est la même chose que le National-socialisme traditionnel a toujours dit: on l’avait entendu partout où les impérialismes français et espagnol ont mené sa criminelle entreprise à l’encontre de la liberté des Peuples. Surtout lorsque les partis “de gauche” remplissent leur mission spécifique en allant jusqu’au bout des tâches que la droite et l’extrême droite officielles abandonnaient en de si bonnes mains. Or, partout, la “gauche” nationaliste a su prendre la tête de la répression et de la guerre contre le “nationalisme” des autres, c’est à dire contre la liberté des Peuples.

Depuis la décomposition du despotisme oriental en Espagne, sous les coups de l'invasion française, la classe dirigeante s'efforce de suivre le modèle français; mais les tendances et les initiatives du nationalisme espagnol sont de plus en plus étroitement suivies à la lettre par leurs alliés du Nord. Or, si au Maroc de l’expansion impérialiste européenne l’impérialisme espagnol jouait le rôle de sous-locataire de l’impérialisme français, c’est ici le colonialisme français qui fait figure de parent pauvre du colonialisme espagnol, dont il assume le rôle complémentaire, et assure les services auxiliaires de répression, propagande et appui logistique; bien content de ramasser les retombées d'une aussi glorieuse entreprise.

Comme suite aux initiatives du pouvoir franquiste, le Nationalisme impérialiste “de gauche” français a montré de nouveau sa vraie nature; ce que n’implique pas sur le fond un apport novateur quelconque. Ministres et journalistes français répètent comme des perroquets les dernières trouvailles fascistes et xénophobes qu’ils viennent d’entendre ou de lire auprès des ministres et des journalistes espagnols. On reconnaît aisément, dans les insultes, les mensonges ou les paralogismes de la clique Nationaliste d’Anglet, les thèmes et les méthodes idéologiques favoris de la clique Nationaliste d’Ermua, du parti franquiste officiel et de ses comparses National-socialistes espagnols du PsoE. C’est toujours le même vomi.

De quelque côté qu’on prenne ces concepts, quel que soit la façon dont on leur étudie, leur seul élément univoque, actif et significatif c’est le Nationalisme français, c’est la démagogie et le chauvinisme petit-bourgeois au service de l’impérialisme étatique de la grande bourgeoisie nationaliste. Il s’agit avant tout d’un effort pour cacher les fondements du régime impérialiste imposé – à travers des siècles de violence, de guerre et d’occupation – par le terrorisme, la répression et la déportation. Il s’agit de fausser et ruiner en théorie et en pratique le droit humain fondamental de libre disposition des Peuples : premier des droits humains et condition préalable de tous les autres, sans lequel liberté et démocratie sont des farces idéologiques au service de l’impérialisme. C’est la tâche prioritaire des idéologues et politiciens des partis nationalistes au pouvoir.

L'idéologie nationaliste-impérialiste ne vise pas la vérité ou la connaissance mais la domination sur les Peuples et la disparition des personnes libres. Plus les patients seront bêtes et plus ils seront faibles et plus ils seront soumis. Il suffit de constater l'ampleur des dégâts sur une opinion publique sans défense pour mesurer la redoutable efficacité dont font preuve les services de conditionnement monopoliste des masses. Transformer les personnes en pantins serviles, soumis et dépendants, aux réflexes politiques émoussés et conditionnés, en aliénés sociaux et mentaux aux cerveaux lobotomisés, lavés, vidangés, rembourrés et recyclés, c'est l'objectif du système impérialiste de conditionnement idéologique.

Toujours aussi équivoque et malhonnête, délibérément truquée et trafiquée, la nouvelle vague de propagande nationaliste vise à tromper les patients à l’abri des monopoles étatiques de violence et d'intoxication de masse. Il n’y a pas là matière à étonnement ou prétexte à scandale: le nationalisme-impérialisme n’a que faire d’une quelconque “honnêteté” idéologique. L’impérialisme est une entreprise criminelle de domination nationaliste contre la liberté des Peuples, fondée et établie par la violence, qui se réalise aussi idéologiquement, y compris par la confusion, le mensonge, la dissimulation et la calomnie. Les Nationalistes français “de gauche” sont allés sur cette voie aussi loin qu’il est possible aller. Ils ont débordé les techniques d'usage dans leur “droite” officielle. Ils ont adopté et adapté la propagande nationaliste du parti franquiste officiel espagnol et de ses comparses National-socialistes du PsoE.

L'impérialisme ne peut pas montrer devant tous la vraie nature de ce pouvoir, l’origine et le fondement de sa “légalité” et de sa “légitimité”. Il doit dissimuler et fausser la réalité, les sources, les finalités et les moyens du système de domination nationaliste dans les territoires occupés et annexés, le fond des problèmes dont il est la cause.

Le pouvoir établi par au moyen de la guerre, le Terrorisme de guerre et d’État, et la loi du plus fort cyniquement affirmée ; par l'occupation militaire, la conculcation criminelle des droits fondamentaux et historiques, et le mépris du droit international de libre disposition des Peuples (premier des droits humains et condition préalable de tous les autres) ; et par l'agression contre l'intégrité et l'indépendance des Etats légitimes et historiquement constitués, la destruction de leurs caractères nationaux par la violence et l'import-export des populations, et la mainmise sur l'économie et la culture: tout cela sont ces faits historiques et sociologiques qui sont à la base du présent régime politique d'occupation militaire impérialiste français-espagnole contre le Peuple Basque et son État : le Royaume de Navarre, et qui conditionnent et ordonnent toutes ses formes. Des faits que l'idéologie nationaliste ne peut pas assumer et qu'elle doit nécessairement arracher des consciences.

A leur place, l'impérialisme doit faire entrer et enraciner dans les consciences l’idée de la nation dominante une et unique; l'origine et le fondement démocratiques, non-violents et non-nationalistes de l'occupation coloniale; la légitimité de l'Etat qui en est l'auteur et le bénéficiaire. Il doit réduire au néant, dans l'idée, la nation et l'Etat subjugués; présenter la résistance démocratique de tous ceux qui ne rampent pas devant le nationalisme impérialiste comme fasciste, agressive, violente et nationaliste; salir et diffamer tout ce qui reste de liberté, de dignité et d'esprit d'indépendance chez le peuple opprimé. Lourde tâche, même si tout est possible là où le monopole de la violence établit et assure le monopole idéologique !

L'endoctrinement des masses est d'autant plus efficace que connaissance, science, culture, enseignement, information et communication, administrativement réprimées et dirigées, ne font qu'un avec la propagande et le conditionnement psychologique des masses au service des intérêts du gouvernement; que ses idéologues et agents-fonctionnaires assènent la pensée unique et exclusive alors que toute critique et toute donnée objective se trouvent écartées par la violence, la peur, l'ignorance et la corruption; et que la prétendue opposition se charge de dire ce que le pouvoir souhaite qu'on dise.

Les monopoles administratifs s'évertuent à occuper et saturer l'espace audiovisuel, à produire le bruit et les nuages de fumée rendant impossible toute communication susceptible de faciliter la prise de conscience des populations sur les vraies questions et les vraies responsabilités. Le conditionnement des masses doit aussi brouiller et étourdir les consciences, empêcher toute pensée indépendante et critique de s'exprimer: tant ses promoteurs sont convaincus de leur incapacité (théorique) pour affronter la plus élémentaire vérité historique et politique. Leur action cherche à boucher les trous par où pourrait s'infiltrer un reste d'information et de connaissance, même les plus immédiates et élémentaires, sur la réalité du pouvoir que le nationalisme français, avec l'inestimable concours de son partenaire espagnol, exerce sur la Nation Basque.

“Parce que – vous le savez bien – nous, qui sommes le parti agresseur, nous devons rester distant de l’examen strict, et couvrir toutes les lumières, chaque meurtrière où l’œil de la raison peut nous fouiller.” (W. Shakespeare; King Henry IV, Pt. 1.)

Si les Nationalistes parlent et agissent ainsi c'est qu'ils peuvent le faire, et qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Bien entendu, ils aimeraient bien ne pas être “obligés” de procéder de la sorte. Ils aimeraient mieux fonder idéologiquement leur domination sur la libre adhésion des populations et sur le respect du droit de libre disposition des peuples. Ils voudraient bien établir l'idée de leur empire national sur l'histoire authentique et sur les données sociologiques, bien mieux que sur l’irrationalité, les mythes, les apologies mensongères ou les pétitions de principe dont ils ont gavé de force des populations sans défense. Ils préféreraient utiliser la persuasion, le dialogue, le discours rationnel et le langage clair – qu'ils doivent à tout prix éviter – au lieu du monologue imposé et du terrorisme idéologique et politique dont ils ne peuvent se passer. Mais le système impérialiste est un tout. Ses défenseurs sont des gens sérieux. Ils ne se font pas d'illusion sur son compte, ils n'ont pas le choix, ils savent de quoi il en retourne. Sans les monopoles politiques, économiques et idéologiques qu'ils se sont octroyés et qu'ils ont imposés aux autres c'en est fait de leur domination! Après des années et des siècles de monopole des moyens de violence, de lavage de cerveau, de propagande, d’endoctrinement et d’intoxication, le nationalisme français n’est pas en mesure d’avouer aux peuples ce qu’il est réellement et de quoi vraiment son pouvoir est fait.

Les injures, les insultes, les propos diffamatoires que les agitateurs nationalistes sont de plus en plus obligés d'utiliser, visent avant tout à prendre l'initiative et á porter l'offensive idéologique sur le terrain de l'adversaire; à faire diversion pour dévier l'attention de l'opinion du fond des problèmes. Les provocations nationalistes cherchent à détourner la résistance démocratique de ses tâches réelles; à fixer, neutraliser et user l'adversaire. Pour cela la supériorité du nombre et des moyens, la simple masse idéologique et même la faiblesse et la stupidité de la pensée constituent des atouts de plus en plus efficaces, en face de populations sans défense, abêties par des siècles de propagande à sens unique.

Si on a cependant reproduit ce ramassis d'injures, de mensonges, d'infamies et de propos utilement débiles, caractéristiques de la propagande et du terrorisme idéologique fascistes e impérialistes, c'est d'abord parce qu'ils mettent à découvert de façon remarquable la haine du Peuple basque, de la liberté nationale et de la démocratie, et le mépris total de la vérité historique, sociologique ou politique qui animent les partis nationalistes. Il s'agit pour eux de procéder au conditionnement de leur clientèle réelle, actuelle ou virtuelle; de canaliser et développer la haine, l'agressivité et les réflexes xénophobes et chauvins contre le Peuple basque.

Propagande et guerre psychologique, ruine de la mémoire historique et de la conscience collective des Peuples, dogmatisme et obscurantisme, destruction de la raison, détournement, confusion et perversion du langage et des concepts, annihilation du sens critique, conditionnement, lavage de cerveau, endoctrinement, bourrage de crâne et intoxication de masse font un ensemble inhérent à l'idéologie impérialiste dont aucun élément n'est superflu. C'est l'expression de la domination sociale et du monopole de la violence mis en place.

Sans “l’effroyable machine, l’effroyable imposture et l’effroyable mensonge” ainsi développées, la liquidation théorique et pratique du droit de libre disposition des Peuples ne pourrait pas être réalisée.

IV

“Je suis anti-nationaliste”, dit Espilondo. Jouer délibérément sur l’ambiguïté voulue des termes et des concepts, à fin de faire le transfert des crimes du Nationalisme impérialiste sur le compte du “nationalisme” des colonisés, voilà à quoi en est réduite l'idéologie dominante. Espilondo ne se gêne pour fausser délibérément des textes de Jaurès, pourtant univoques, dans la mesure où ça lui permet de cautionner son Nationalisme français et sa bascophobie. C’est comme ça qu’il entend son “choix d’une certaine éthique politique”. Malgré les monopoles de tous les moyens de violence et de propagande dont ils disposent, il faut qu’Espilondo, son parti et sa clientèle soient à court d’idées pour justifier leurs agressions, puisqu’ils doivent faire recours à des semblables procédés. II faut aussi qu’ils soient persuadés que l’œuvre de déculturation et idiotisassions des vaincus a atteint le niveau nécessaire pour leur faire avaler n’importe quoi.

Si par ‘nationalisme’ au sens strict (c’est-à-dire: le Nationalisme impérialiste) on entend le refus des droits des autres Peuples, ainsi que la propagande et les voies de fait contre leurs libertés et – en premier lieu – contre leur droit de libre disposition ou Independence, alors le Nationalisme est certainement incompatible avec la liberté, avec les droits humains et avec la démocratie. En ce sens, cependant, il est clair qu’une telle chose: le “Nationalisme basque”, ça n’existe pas. Par contre, le Nationalisme français et l’espagnol existent dans ce sens, et ils ont même été, pendant des siècles, au sommet de l’impérialisme mondial. S’ils ne le sont plus, ce n’est pas parce que les Espagnols et les Français n’aient jamais renoncé volontairement à cette position, mais que la “faute” incombe aux autres “nationalismes”, qui sont devenus à leurs tours plus forts qu’eux.

Mais si, au contraire, on entend par ‘nationalisme’ la défense des Peuples, de leur libertés et – d’abord – de leur droit de libre disposition ou autodétermination : premier des droits humains fondamentaux et condition préalable de tous les autres selon la loi internationale, alors toute société libre et démocratique est fondée: idéologiquement et politiquement, de cette façon. C’est-à-dire, si ceux qui veulent libérer leur Pays, leur Nation et leur État de la domination impérialiste sont des “nationalistes”, alors ceux qui envahissent les Pays et les Etats des autres Peuples, leur refusant le droit fondamental de libre disposition nationale, sont des Nationalistes au plus haut degré.

En d’autres termes : si par ‘nationalisme’ on entend une quelconque prise en compte factuelle ou idéale des réalités nationales, alors tout le monde est “nationaliste”, et on ne voit pas comment on pourrait faire autrement. “La culture internationale n’est pas a-nationale”, confirmait Lénine, qui n'avait jamais rencontré personne parlant “socialiste” au lieu de Russe, Allemand ou autres langues courantes, et n'espérait sans doute pas le rencontrer, et pour cause.

Lénine disait et répétait qu’il fallait en tout état de cause faire la différence entre “le nationalisme de la nation opprimée, et le nationalisme de la nation qui opprime”. Bien entendu la “gauche” Nationaliste française ou espagnole n’est pas marxiste-léniniste: on éclaterait de rire si elle le prétendait. Elles se situent, d’emblée, du côté du Nationalisme de la nation qui opprime, et contre le “nationalisme” de la nation opprimée :

“J’ai déjà écrit dans mes ouvrages sur la question nationale qu’il est tout à fait vain de poser dans l’abstrait la question du nationalisme en général. Il faut distinguer entre le nationalisme de la nation qui opprime et celui de la nation opprimée, entre le nationalisme d’une grande nation et celui d’une petite nation.

“Par rapport au second nationalisme, nous, les nationaux d’une grande nation, nous nous rendons presque toujours coupables, à travers l’histoire, d’une infinité de violences, et même plus, nous commettons une infinité d’injustices et d’exactions sans nous en apercevoir. Il n’est que d’évoquer mes souvenirs de la Volga sur la façon dont on traite chez nous les allogènes : le Polonais, le Tatar, l’Ukrainien, le Géorgien et les autres allogènes du Caucase ne s’entendent appeler respectivement que par des sobriquets péjoratifs, tels ‘Poliatchichka’, ‘Kniaz’, ‘Khokhol’, ‘Kapkazski tchélovek’.

“Aussi l’internationalisme du côté de la nation qui opprime ou de la nation dite ‘grande’ (encore qu’elle ne soit grande que par ses violences, grande simplement comme l’est, par exemple, l’argousin) doit-il consister non seulement dans le respect de l’égalité formelle des nations, mais encore dans une inégalité compensant de la part de la nation qui opprime, de la grande nation, l’inégalité qui se manifeste pratiquement dans la vie. Quiconque n’a pas compris cela n’a pas compris non plus ce qu’est l’attitude vraiment prolétarienne à l’égard de la question nationale : celui-là s’en tient, au fond, au point de vue petit-bourgeois et, par suite, ne peut que glisser à chaque instant vers les positions de la bourgeoisie. [...]

“[...] Autre chose est de nous engager nous-mêmes, fût-ce pour les questions de détail, dans des rapports impérialistes à l’égard des nationalités opprimées, en éveillant ainsi la suspicion sur la sincérité de nos principes, sur notre justification de principe de la lutte contre l’impérialisme. Or, la journée de demain, dans l’histoire mondiale, sera justement celle du réveil définitif des peuples opprimés par l’impérialisme et du commencement d’une longue et âpre bataille pour leur affranchissement. ” (V. Lénine ; La question des Nationalités ou de l’Autonomie, 31-XII-1922.)

L’impérialisme, au sens léniniste, n’est peut-être pas le stade suprême du capitalisme; mais l’impérialisme, au sens strict, est sûrement le degré extrême du Nationalisme : le Nationalisme impérialiste. Nationalisme et totalitarisme en général sont conceptuellement et sociologiquement inséparables.

L’inter-nation, l’internationalisme, suppose la nation : il ne peut y avoir d’internationalisme sans nations, niant les nations et leurs droits; qui est la position fondamentale du Nationalisme impérialiste. Tout ‘anti-nationalisme’ est corrélativement nationaliste. On ne peut pas nier une nation ou un nationalisme sans affirmer et lui opposer une autre nation et un autre nationalisme. De cette façon, en condamnant ‘le nationalisme’, ce que les Nationalistes français et les Nationalistes espagnols condamnent, en réalité, est en fait le nationalisme défensif des nations opprimées, qui est un obstacle au Nationalisme impérialiste d’eux-mêmes. Le Nationalisme français (et l’espagnol), puisqu’il postule sa propre Nation modèle dont le rôle est de reconstruire le monde à son image par son imposition aux autres, est incompatible avec tout internationalisme.

Selon Engels:

“Ces gens exigent maintenant, parce que les victoires allemandes leur ont fait cadeau d’une république (et quelle république!), que les Allemands quittent immédiatement le sol sacré de la France, sinon: guerre à outrance. Ils continuent à s’imaginer comme autrefois que la France est supérieure, que son sol a été sanctifié de par 1793 et qu’aucune des ignominies accomplies depuis par la France ne saurait le profaner, et que le mot creux de République est sacré.” “Le peu d’internationalisme républicain de 1830-48 se groupa autour de la France, qui devait libérer l’Europe, et intensifiât le chauvinisme français à ce point que la vocation de la France a libérer le monde et son droit d’ainesse à occuper la première place nous rends la vie impossible tous les jours”. (D’une lettre d’Engels à Marx; Londres, 7-Septembre-1870.)

“Arrive l'année 1866. Marx écrit à Engels au sujet de la ‘clique proudhonienne’ de Paris qui ‘traite la nationalité de non-sens et s'en prend à Bismarck et à Garibaldi. En tant qu'argument polémique dirigé contre le chauvinisme, cette tactique est utile et peut s'expliquer. Mais lorsque les adeptes de Proudhon (auxquels appartiennent également mes bons amis d'ici, Lafargue et Longuet) pensent que toute l'Europe peut et doit rester tranquillement et paisiblement assise sur son postérieur en attendant que ces messieurs de France abolissent la misère et l'ignorance... ils sont ridicules.” (Lettre du 7 juin 1866).

“‘Hier’, écrit Marx le 20 juin 1866, ‘il y a eu discussion au Conseil de l’Internationale sur la guerre en cours. [...] Les débats, comme il fallait s’y attendre, se sont concentrés sur la question des ‘nationalités’ et de notre attitude à son égard. Les représentants de la ‘jeune France’ (qui n’étaient pas des ouvriers) défendirent le point de vue suivant lequel toute nationalité et la nation elle-même sont des préjugés surannés. Du stirnérisme proudhonien. [...] Le monde entier doit attendre que les Français soient mûrs pour accomplir la révolution sociale. [...] Les Anglais ont bien ri lorsque j’ai commencé mon discours en disant que notre ami Lafargue et les autres abolisseurs des nationalités s’adressent à nous en français, c’est-à-dire en une langue incompréhensible aux neuf dixièmes de l’assemblée. Ensuite j’ai donné à entendre, que sans s’en rendre compte lui-même, Lafargue semble comprendre, par négation des nationalités, leur absorption par la nation française, considérée comme un modèle’.” (V. Lénine ; ‘Du droit des Nations à disposer d’elles-mêmes’, 1914.)

Ainsi, les Nationalistes français, comme les Nationalistes espagnols, rejettent en théorie et en pratique le droit de libre disposition, autodétermination ou indépendance des Peuples. Or, sans droits humains, pas de démocratie. Il n’y a pas de démocratie, mais impérialisme et fascisme, là où on nie le droit d’autodétermination des Peuples : premier des droits humains fondamentaux et condition préalable de tous.

Cependant, pour les monopoles impérialistes franco-espagnols de propagande c’est “le nationalisme basque” : “la peste de la bourgeoisie basque”, qui menace la liberté, la démocratie et la paix mondiale. Selon eux, la bourgeoisie française étant depuis toujours immunisée contre ce type de maladie, le Nationalisme français ça n’existe pas. (Il y aurait, par contre, une bourgeoisie basque “nationaliste” ; un fait surprenant dans un pays où les élites et le peuple : ayant renié leur identité selon les idéologues de l’impérialisme, se seraient librement ralliés depuis des siècles au Nationalisme français et espagnol.)

Une société unique mondiale aurait le même contenu objectif que dans une société multinationale caractérise une nation, même si le mot et le concept de celle-ci n’existeraient pas ou n’existeraient plus, faute de diversité corrélative constitutive, comme les qualités objectives de la matière seraient les mêmes si, en absence de diversité, les concepts et les mots différenciés y afférant disparaissaient. Une société humaine dépourvue de tels caractères ça n’existe pas et ne peut pas exister, pas plus qu’un corps sans dimensions. Bien entendu, l’idéologie impérialiste n’a jamais reculé devant les hypostases et autres paralogismes dont elle pouvait tirer profit pour tromper les peuples et les incorporer à la nation modèle, universelle et non-nationaliste. [...]

Le cosmopolitisme, le mondialisme sont une forme de Nationalisme, ou une forme de multi-nationalisme. Les supporters du “dépassement a-national” sont, en réalité, des nationalistes qui essayent de masquer leur nationalisme aux dépens d’autres. Les nationalistes français le proclament sans cesse, “le français est cartésien”.

V

“Il n’y a pas de nationalistes durs ou modérés, il n’y a que des nationalistes et c’est tout, et il faut les isoler”, c’est actuellement un mot d’ordre des Nationalistes françaises et espagnoles à l’encontre de tout indice de résistance à l’impérialisme. Le nouvel appel de la “gauche” nationaliste est, quand-même, une petite nouveauté: telle qu'il est, ses formulations apportent un progrès appréciable, une innovation considérable – qu'on se fait un plaisir de souligner – et un soulagement certain pour un avenir rassurant. La mission historique des Partis Nationalistes “de gauche”, au Pays Basque et ailleurs, étant toujours consisté à fausser le jeu et brouiller les cartes; à confondre, dévoyer, détourner, récupérer, exploiter, corrompre, pénétrer, diviser et, finalement, ruiner la résistance démocratique des mouvements de libération des Peuples, le fait de pouvoir s’en passer d’eux par sa propre décision sera sans aucun doute un grand et agréable progrès.

Au moment de la guerre impérialiste de 1936, la “collusion des rouges et des séparatistes” : tant de fois décriée et condamnée par la propagande de la Croisade fasciste, n’a pas été suffisamment dénoncée et combattue par les partis de la “gauche” nationaliste d’Espagne et de France ; c’est le moins qu’on puisse dire. “La fermeté et la rigueur, le sens de la clarté et de l’isolement“ – qui sont le plus remarquable apport de l’actuelle “gauche” nationaliste française – faisant manifestement défaut à l’époque, leurs prédécesseurs s’étaient efforcés de “concilier” les exigences de la guerre contre le Fascisme avec le souci d’empêcher l’établissement d’États indépendantes de fait ou de droit au Pays Basque et en Catalogne ; qui a abouti à un véritable sabotage de la lutte contre le Fascisme.

La victoire du Général Franco ainsi assurée, tous les Résistants basques se souviennent des temps fort prolongés où l’on ne pouvait marcher dans la rue – ni même rester à la maison – sans avoir affaire aux commandos, travestis, sangsues et pots de colle du Nationalisme espagnol et français “de gauche” : tous débordants de compréhension, de sympathie et d’alléchantes promesses pour le Pays Basque, dont la liberté “avait comme préalable la chute de Franco, la démocratie ou la révolution socialiste en Espagne et en France”. La liberté des Peuples : fondement de la Démocratie, était toujours “reconnue” comme accessoire, éventuelle et différée.

En réalité, la prétendue “lutte prioritaire contre Franco, pour la démocratie et pour le socialisme” des social-impérialistes espagnols and français cachait mal le refus du droit de libre disposition, autodétermination or indépendance des Peuples, et visait à récupérer et à détruire leur lutte pour la liberté nationale. Le maintien, à tout prix, des annexions au profit des Etats impérialistes était le fondement inamovible de tout projet politique “démocratique”; avec, pour conséquence, le sabordage de la lutte contre le Franquisme et pour la Démocratie, au profit de la “réconciliation nationale” et de la continuité de l’acquis politique fasciste. On sait ce qu’il en est advenu, à ce jeu, de la “révolution démocratique, socialiste ou communiste”. (La “gauche” nationaliste française est, désormais, libérée. Elle peut, ouvertement, s’allier aux Nationalistes français et espagnols de droite et “de gauche” contre le vrai ennemi : les Basques.)

Il y en a eu, pourtant, des naïfs pour s’y laisser prendre, des malins pour collaborer, et des renégats pour se vendre : au niveau individuel, bureaucratique ou corporatif. Cela fait soixante ans que le Pnv n’a d’autre ligne politique ou idéologique que celle que le PsoE et le parti franquiste traditionnel lui marquent. De même, cela fait autant que son corollaire, l’Eta, a été souvent investi en toute impunité par les agents individuels et collectifs des partis nationalistes espagnols et français. Les “compagnons de route” ainsi désignés ont rempli la mission qui leur était impartie, au profit du “front démocratique de gauche” avec l’impérialisme et autres lubies réactionnaires de même acabit. Dans ces circonstances, les pièges “dualistes” sur “la démocratie, le socialisme et la question nationale” : de plein gré acceptés, avalés et répercutés par le groupe liquidationniste Pnv-Eta, ont fabriqué des collaborateurs, des déserteurs et des transfuges à la chaîne, et causé des dégâts difficiles à surestimer.

Or, depuis quarante ans cette tactique a perdu de son efficacité. Les résultats de la “transition” intra-totalitaire espagnole ne sont que trop évidents. Nationalistes espagnols et français ont pu enfin se laisser aller à leurs penchants et affinités naturels contre la liberté des Peuples et, en particulier, du Peuple Basque. Le Nationalisme du PsF a atteint des sommets trop manifestes. L’ancien PsoE n’est plus que la mouture de la Falange Espagnole, qui avait investi ses dépouilles dans les années soixante. Des accords internationaux entre partis et gouvernements National-socialistes (à Paris, à Madrid ou à Latché) ont ouvert les yeux de beaucoup, et des suites sans ambiguïté ont réduit, sinon anéanti, la marge de manœuvre. Quant au PcF, ce n’est plus qu’un résidu informe qui essaie désespérément de se renflouer en arrachant la clientèle de l’extrême droite officielle, au moyen d’une surenchère Nationaliste sans précédent.

Des “naïfs” qui trente ans auparavant se félicitaient de “l’arrivée de la gauche au pouvoir en Espagne et en France” : une arrivée “qui ouvrait des nouvelles perspectives de liberté pour le Peuple Basque”, ont été incapables d’expliquer ou de dissimuler la réalité. Ils sont devenus (relativement) rétifs à la séduction Nationaliste “de la gauche” espagnole et française, ou sont passés ouvertement du côté de l’impérialisme. Tous ceux qui – par ignorance, naïveté ou mauvaise foi – ont participé à ces manœuvres sont ainsi confrontés à des textes et des attitudes qu’ils ne pourront pas facilement tergiverser.

Il faut bien le remarquer, pour ne pas se tromper sur les suites prévisibles: si les “alliances” avec l’impérialisme semblent traverser maintenant un moment difficile, ce n’est pas comme résultat d’une quelconque autocritique ou altération “révisionniste” des groupes aux étiquettes basques qui s’y sont engagés, mais comme conséquence de l’initiative, du renforcement et de l’agressivité des organes d’occupation et du Parti nationaliste français, tous désormais convaincus que, avec des incapables et des minables de cette espèce, tout rapport autre que la répression pure et dure est aussi inutile que préjudiciable. C’est bien d’ailleurs l’opinion, souvent plus poussée encore, aujourd’hui généralisée de par le monde.

Il suffit, cependant, d’entendre les lamentations des laissés pour compte sur “les trahisons incompréhensibles et les accords contre nature”; il suffit d’observer leurs attentes et sollicitations, pour qu’aucun doute ne soit permis sur leur volonté de poursuivre ou de revenir sur la même voie, pour peu que leurs chers maîtres leur en laissent encore la possibilité.

Il faut remarquer aussi que l’unité de la Nation Basque et de son problème est telle que les transfuges n’adhèrent pas au Nationalisme français ou espagnol, mais ils deviennent des partisans ardents des deux à la fois.

VI

“Je suis anti-nationaliste, de la même façon que d’autres sont anti-capitalistes”, dit Espilondo. Ce socialiste n’est pas anti-capitaliste comme d’autres le sont. Qu’est-ce qu’il est donc Espilondo? Il ne peut quand même pas se dire pro-capitaliste ou social-capitaliste: ça ne ferait pas assez “socialiste” ou assez “communiste”. Mais il ne peut pas se dire anti-capitaliste comme d’autres, fous rires assurés. Espilondo opte pour se dire “non-anticapitaliste” : deux négations qui valent pour une affirmation dans “le langage simple de la vérité et dans la clarté, toujours dans la clarté”. Tant de clarté c’est aveuglant.

National-socialistes et National-communistes (le groupe PsF-PcF) se dissent “non-nationalistes, anti-nationalistes, anti-terroristes, non-violents, non-anticapitalistes”. Mais quel est, en positif, son contenu politique? En fait cette inflation négativiste, ce déluge d’adversatives, ces fuites et ces refus formalistes ne sont pas innocents ou dépourvus de signification. Ils traduisent le malaise et l’incapacité des Nationalistes à se définir; leur refus de se présenter en public tels qu'ils sont vraiment. Les Nationalistes se cacheront donc sous des formules négatives et périphrastiques. Ils seront monistes, “non-istes”. Ils ne peuvent pas s’avouer National-impérialistes et social-chauvins, ils seront “anti-nationalistes et non-nationalistes”. Mais c'est quoi des anti-nationalistes et non-nationalistes partisans, agents et bénéficiaires du Nationalisme impérialiste français? Ils se disent “non-violents et anti-terroristes”. Mais c'est quoi la non-violence et l’anti-terrorisme des partisans, détenteurs, agents et bénéficiaires du monopole de la violence et du Terrorisme d'Etat? Ils nous font exploser de rire.

La République française est fondée sur le  – mal – acquis de l’Ancien Régime, dont le fondement et la structure ont néanmoins été conservées et développées à la “Révolution”. Le Terrorisme de masse, les crimes de guerre, les crimes contre la paix, les crimes contre l’humanité qui ont horrifié le monde ont fondé la Dictature républicaine: premier essai de régime totalitaire moderne et modèle pour tous les autres. Au nom du progrès (et c’est là où se trouve sa plus grande originalité : inspiratrice de toute l'idéologie totalitaire contemporaine), la République française inaugura la Dictature et le Terrorisme travestis de liberté, droits humains et démocratie; le Nationalisme impérialiste français, sous couvert et falsification d’universalisme, égalité et libre disposition des Peuples; le bellicisme, l’agression et le pillage, sous rhétorique de fraternité et pacifisme; le fanatisme idéologique, sous prétexte de science et de lumières ou de religion républicaine; la déification de l’Etat, sous prétexte de laïcité et de morale civique; et le colonialisme, déguisé en civilisation et progrès humanitaires.

La République française a poursuivie et poussée : à l’extrême et sur tous les Continents, la politique d'agression, de pillage et de conquêtes de l'Ancien Régime. Se dire républicains, socialistes, communistes ou gauchistes ça peut encore servir à l'occasion (en particulier pour tromper les Peuples subjugués), mais ce n'est pas là un label démocratique. La démocratie est le pouvoir politique du Peuple, et repose sur l’efficacité des droits humains fondamentaux. Rien d’autre que cela, constitue son faux.

La “Révolution” a liquidé : par la violence criminelle et au mépris de tous les droits fondamentaux, ce qui restait des libertés historiques du Peuple Basque. La République a installé chez nous la dictature des clubs parisiens, la guillotine, le Terrorisme et la déportation de masse. C'est le républicain “corse” Bonaparte qui a rétabli l’impérialisme esclavagiste sur Haïti, et –  battu à plate couture – qui s’est vengé en écrasant sous la terreur son île natale. C’est lui qui a rétabli l’esclavage et qui a relancé l’expansion, la guerre, le Terrorisme et le pillage dans toute l’Europe; lui, qui a fondé “l’Empire républicain” et qui a poussée à l’extrême la liquidation des institutions démocratiques-populaires – tout en renforçant les structures totalitaires – qui co-existaient dans l’Ancien Régime. (Même “les Départements avec un préfet”, qu’aujourd’hui demandent ici les “modérés-opportunistes-réalistes-possibilistes-minimalistes basques”, sont l’apport consulaire aux institutions “républicaines”.)

En matière de Nationalisme impérialiste, les Nationalistes français “de gauche” n’ont cédé en rien aux Nationalistes français “de droite”. C'est sous une idéologie et des étiquettes “socialistes” et “de gauche” que les partis français ont relancé, servie, menée, financée l'entreprise de expansion, domination, pillage, répression et terrorisme de la République contra la liberté des Peuples. (On reparlera, là aussi, de Ferry et de Jaurès). Les National-socialistes français ont eu une participation déterminante au grand carnage de 1914, résultat de l’Union Sacrée et la guerre “impérialiste des deux côtés”. Les National-socialistes français se sont toujours alliés à la droite traditionnelle (avant et après la ruine et la restauration de la III République), et ont participé sans réserve au sursaut colonialiste de Suez.

C’est le “socialiste alsacien” Ngaelen qui “fit de la fraude électorale une institution d’Etat”. Le gouvernement “de gauche” de Mendès-France dirigeait le “balayage” terroriste préconisé et ordonné par le ministre “de gauche” Mitterrand (“balayez-moi tout ça!”) contre la lutte de libération nationale du Peuple Algérien et, très conséquemment, profitait du pouvoir pour inaugurer la politique de collaboration ouverte avec le General Franco contre la Résistance basque en supprimant (1954) Radio Euzkadi. C’était un modeste prélude à la concertation du gouvernement National-socialiste français avec les fascistes espagnols pour l'intensification et l'extension du Terrorisme d’État au Pays Basque. Rien de plus “socialiste et communiste”, rien de plus républicain que la féroce répression nationaliste et coloniale du gouvernement “socialiste” présidé par le “socialiste” Mollet et mise au point par le gauleiter-résident général “socialiste” Lacoste (1956-58) contre la population résistante de l’Algérie.

Les pleins pouvoirs à l'armée française d'occupation coloniale en Algérie ont été sollicités et votés par les National-socialistes et les National-communistes français, ce qui a porté aux sommets le Terrorisme, la torture, les représailles racistes contre des hommes, des femmes et des enfants sans défense. (Il y a eu, parait-il, des “communistes” français “qui en ont pleuré”; mais c'est en Algérie même que les populations indigènes ont eu à subir et à pleurer les conséquences du racisme terroriste, nationaliste, “socialiste et communiste” français.) Et il ne s’agit pas de quelque chose de nouveau : c’est le génocide républicain en Vendée que les bolcheviks ont pris pour modèle insurpassée de l’assassinat de masse de la paysannerie russe.

C'est le “communiste géorgien” Ordjonikidzé qui a écrasé les républiques caucasiennes, et le “communiste ukrainien”·Khrouchtchev qui a écrasé l'Ukraine, sous le “communiste géorgien” Staline; tout comme le “communiste” kageviste russe Poutine déporte, massacre et terrorise la Tchétchénie et ses voisines, avec la bénédiction et la complicité déclarée de la nouvelle Puissance hégémonique mondiale et autres “démocraties” occidentales.

Mussolini et Hitler aussi se disaient “socialistes” (ils ne l’étaient pas moins que beaucoup d’autres qui s’en vantent), et c'est de cette façon qu'ils ont séduit les masses travailleuses nationalistes pour arriver au pouvoir et mettre en place le Nazisme espagnol : toujours protégé et préservé depuis par la continuité institutionnelle germanique, dont les raids terroristes écrasèrent sous les bombes Durango et Gernika. Ce sont le président Mitterrand et ses ministres National-socialistes qui ont scellée la coopération inconditionnelle des républicains français avec les monarchistes-franquistes-falangistes-socialistes espagnols; qui ont poussé, renforcée et développée la stratégie répressive plus loin que leurs complices et prédécesseurs de la “droite” officielle ne l’avaient jamais portée. C’est eux qui ont voulu le pacte au sommet de Latché et la vague d’assassinats terroristes qui a déferlé sur la Côte Basque en conséquence. C’est avec des Nationalistes et fascistes espagnols héritiers de Franco que les National-socialistes français ce sont acoquinés pour organiser la répression contre la liberté des Peuples. On a tous remarqué les gestes secs et tranchants du ci-devant “trotskyste” Jospin devant la télévision espagnole, à l’adresse de son voisin le ministre franquiste de l’intérieur espagnol, pour approuver et stimuler la politique de répression et Terrorisme d’État au Pays Basque, et désavouer toute (imaginaire) velléité d’apaisement. Ç’est par les mêmes moyens que les Nationalistes réunis, de tout bord, ont consolidé le colonialisme dans les territoires “français” des antipodes.

La corruption et les affaires, qui sont partout, sont cependant la spécialité “naturelle” de la “gauche” nationaliste. Le National-socialisme français se fonde sur “les valeurs de la République”, mais la République est un État nationaliste bourgeois, fondé avec l’appui sans réserve des “socialistes nationaux”, ce qui est bien autre chose que la simple collusion électorale avec la peste nationaliste de la bourgeoisie française. L’union avec Le Pen ne les gênait pas, “puisque c’était pour bien faire”, comme dit Espilondo. Espilondo et son parti nationaliste français ont voté pour donner une écrasante majorité présidentielle et laisser les mains libres pour cinq ans au parti de la “droite traditionnelle, dernier recours de la liberté”, sans que la présence des “représentants basques” dans la même entreprise pose problème d’un côté comme de l’autre: “pourquoi pas, si c’est pour bien faire?”; le “bien faire” s’identifiant avec la répression des Peuples par l’impérialisme français.

Les National-écologistes français ont aussi voté pour le dernier pollueur atomique du Pacifique, sacrifiant héroïquement la nature et les hommes au profit de la “dissuasion” nucléaire. Il n’y a pas eu erreur dans ces décisions. On ne saurait voir là une ombre d’alliance contre nature. Ils se disent de gauche, mais ils votent tout naturellement pour la “droite” et s’allient aux franquistes espagnols. Comme Jaurès ne le disait pas, ils ne sont que des Nationalistes et des Fascistes, et c’est tout.

Ce ne sont pas là de menus larcins, de petits méfaits ou de délits mineurs. Ce sont des crimes de droit commun : crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l’humanité dont la répression est le fondement même du droit international. Si les titulaires d’un tel palmarès pouvaient être capables d’un sentiment de décence, quand on parle de liberté et de dignité, de démocratie, de droits humains et de Nationalisme, ils ne pourraient que fermer la bouche sauf pour avouer leurs crimes et assumer leurs responsabilités. Mais l’infamie politique s’accompagne ici du manque de vergogne le plus complet. Persuadés qu’ils sont que rien ne peut désormais faire obstacle à leur domination; que le règne de l'imbécilité collective est pleinement établi par leurs soins, c'est sont ces gens-là qui maintenant traitent de nationalistes, de fascistes et de terroristes les victimes de leurs forfaits. Nous devons rester vigilants devant eux ; d'autant plus que leurs auteurs les ont toujours dissimulés derrière une caricature de liberté et de démocratie. L'identification totale de “ces gens-là” avec les fascistes espagnols et la nouvelle réaction internationale les rend encore plus dangereux, si cela est possible.

Quand on parle de Nationalisme, de Violence, de Terrorisme et de Fascisme, il n’y a pas de Nationalistes français de droite ou de gauche, de patriotes et d’antipatriotes, de civils et d’ecclésiastiques, de violents et de pacifiques, de militaristes et d’antimilitaristes, de conservateurs bourgeois et de révolutionnaires ouvriers. Il n'y a qu'un Parti Nationaliste français, il n’y a que des Nationalistes, ayant tous adopté les valeurs et les buts du fondamentalisme chauvin, héritier du prototype totalitaire absolutiste.

L’idée française constructiviste-absolutiste de “la Nation, l’identité nationale et l’Etat” étant ce qu’elle est, il n’y a pas pour les Peuples annexés autre issue que leur liquidation. Peut-être les espagnols essayent de tromper leur monde avec leur “pluralisme” et d’autres conneries, pas les français.

VII

Au sein du PsF on n'a pas de difficulté à faire l’amalgame entre “nationalistes basques” et hitlériens. En considérant la participation de quelques groupements aux sigles basques aux “élections démocratiques” françaises, Espilondo pense à Hitler, qui serait “arrivé au pouvoir par la voie démocratique”: lieu commun aussi équivoque qu'apologétique.

On l’a déjà vu, pour le PcF “Le nationalisme est un danger. Les nationalistes, ici comme ailleurs en Europe et dans le monde, visent à faire de l’autre un étranger, un ennemi. Il y aurait les ‘purs’ qui adoptent le projet indépendantiste, et les autres (y compris basques) qui sont voués à être des cibles. C’est en cela que le nationalisme est dangereux qu’il s’apparente au fascisme. Les indépendantistes ne sont pas de gauche, ils sont de droite extrême”.

Les fascistes espagnols, héritiers du despotisme oriental, des dictatures militaires et du franquisme, disciples, alliés et créatures de Hitler et de Mussolini, devenus entretemps modèles de démocratie pour le PsF, le PcF et la nouvelle Europe, ne se gênent pas désormais pour qualifier de nazis les démocrates basques écrasés sous les bombes de l'Axe au service du terrorisme impérialiste; ce qui – soit dit en passant – avait arrivé avant même que National-socialistes allemands et National-communistes français “purs” avaient concerté des alliances pas douteuses, sur le dos des autres (y compris basques) qui étaient voués à être rayés de la carte.

De la part du PcF la curieuse expression “le nationalisme s'apparente au fascisme” ne concerne pas, bien entendu, le Nationalisme français mais le mouvement démocratique basque contre l’impérialisme. Ainsi compris, cette “parenté” est l'indice d'une restriction, une retenue et une modération surprenantes de la part du PcF. Comme si un reste de pudeur, de gêne, une ombre de sens de l'honneur qu'on ne leur soupçonnait pas empêchait encore ces supports des guerres, du Terrorisme et des répressions coloniales du Nationalisme français de suivre jusqu'au bout la propagande de ses alliés franquistes. On veut espérer que ces inerties, ces réticences et ces parentés équivoques seront vite dépassées au profit de la fermeté et la clarté qui sont l'exigence déclarée de l'union sacrée nationaliste. (C'est peut-être là un moment de faiblesse, indigne des antécédents du PcF.)

Selon Baguez “le Parti communiste français tient à réaffirmer son opposition farouche à toute forme de violence et de terrorisme. Il rappelle que les origines de cette violence sont extérieures à notre pays et que les solutions ne peuvent être que politiques”. On croit rêver: si le PcF est contraire à toute forme de violence et de terrorisme, alors – puis qu’il l’a trahi toute l’histoire – l’idéologie et la politique du PcF ce sont des renégats ou des imposteurs vendus à la bourgeoisie fasciste, nationaliste et impérialiste française et espagnole. Ou bien: le pays du PcF c’est la France, dont le pouvoir est établi sans violence et sans terrorisme, les origines de la violence se trouvent à l’étranger, et les solutions politiques n’ont rien à voir avec le droit d’autodétermination des Peuples.

C'est question récurrente parmi sociologues, politologues et idéologues que celle des différences entre communisme et fascisme. Ce n'est pas ici le lieu pour en traiter. Par contre, en ce qui concerne non pas ce problème en général mais les différences entre le National-communisme français et le fascisme, la question est depuis longtemps entendue: il n'y en a aucune. Leur rapport n'est pas de parenté mais de simple identité. Bien sûr le PcF “se” situe à gauche du FN; mais sa théorie et sa pratique nationalistes, ses attitudes sur la banlieue, sur l’union européenne et sur l’impérialisme en général, le situent à droite de l’extrême droite nationaliste et fasciste officielle. Rien de nouveau là-dessus, bien entendu: les “communistes d’Anglet” ne sont pas différents des “communistes” de Sidi-Bel-Abbès, qui s’étaient déjà illustrés – au sein et dès les débuts de la III Internationale – en opposant ouvertement leurs positions nationalistes, colonialistes et racistes au droit d’autodétermination des Peuples. Les “communistes” français ne sont pas de gauche, ils sont de droite nationaliste extrême.

“Les basques sont des fascistes”, avait déjà proclamé à la télévision française Cohn Bendit, le plus notoire représentant et député européen “gauchiste-révolutionnaire” du mouvement “écologiste”.

VIII

“Dès lors, nous dénonçons les alliances douteuses entre les nationalistes et les maires de droite. Avec Camblong c'est pire qu'avec la droite.” Le PsF et le PcF condamnent désormais les “alliances électorales douteuses et les compromissions électoralistes” entre la “droite” – Nationaliste – française, et les “nationalistes” (basques) ; des alliances et des compromissions qui pourraient remplacer les compromissions et les alliances – non douteuses – faites au profit de la “gauche” non moins Nationaliste française. Des compromissions et des alliances condamnées à leur tour, comme il se doit et dans l’inversion des termes, par la “droite” nationaliste française.

Il faut noter que, dans tous ces accouplements pervers, divers et complémentaires, c’est le “nationalisme” basque qui est l'élément maudit et condamné, dont l’alliance est alternativement déshonorante pour les composants du Parti français, et non le contraire.

Ces reproches et ces hommages de la “gauche” Nationaliste à sa “droite” (mais néanmoins française), et de la “droite” Nationaliste à sa “gauche” (mais non moins française), montrent une fois de plus que la vraie alliance, ou plus exactement l’identification: non seulement formelle et électorale mais permanente, fondamentale et stratégique, est celle de la “gauche” Nationaliste française avec sa “droite” Nationaliste; c'est celle de l’Union Sacrée Nationaliste-Impérialiste qui existe entre la bourgeoisie Nationaliste et son Etat militariste et prédateur, et la “gauche” social-impérialiste française, contre la liberté des Peuples et la démocratie en général. C’est aussi l’alliance – dont le Nationalisme français ne peut se passer –  avec l’Etat et les forces Franquistes au pouvoir.

L’histoire montre et remontre que la démocratie a toujours été subordonnée par le Nationalisme français de “gauche” au maintien et au renforcement des “institutions” de la République impérialiste française. Toute l’histoire de cette République montre le rôle des plébiscites et des élections au service de ce que Marx décrivait comme “cette immense organisation militaire et bureaucratique”. Ce pouvoir réel “se constitua à l’époque de la monarchie absolue”. “Toutes les révolutions politiques n’ont fait que le perfectionner.” “Le mot creux et sacré de république”, dont parlait Engels [“et quelle république”], servait à le camoufler.

Quant au “socialisme républicain”, comme le disait Guesde à Jaurès, “votre erreur est dans votre conception du socialisme que n’a rien de socialiste: vous faites sortir votre socialisme de la République, alors que nous le faisons surgir de l’évolution capitaliste”. “Votre méthode c’est le nationalisme sous une forme plus dangereuse que l’autre!” “Le jour où le cas Millerand serait devenu un fait général il faudrait dire adieu à tout internationalisme et devenir les nationalistes que, ni vous, ni moi, ne consentirons jamais à être.” Mais le nouveau parti, unifié en 1903, et Guesde lui-même, ne tarderont pas à y succomber. (On reviendra sur tout ça.) Mais il ne s’agit pas désormais de crétinise électoral, présidentiel ou parlementaire: ces gens-là savent très bien ce qu’ils font et ce qu’il ne faut pas faire pour participer au pouvoir réel là où il se trouve.

Ce n’est pas “l’extrême droite” officielle l’ennemi prioritaire de la “gauche” nationaliste, c’est un allié toujours possible contre le vrai ennemi prioritaire, le seul que la “gauche” nationaliste ne supporte pas: la résistance des Peuples opprimés contre le nationalisme impérialiste français. Ce n’est pas le FN qui a apporté l’extrémisme, l’intolérance et, avant tout, le Nationalisme et le pouvoir bureaucratique-administratif-militaire dans la politique française. Ils y sont bien mieux établis que partout ailleurs, à l’exception du modèle espagnol.

“Si vous voulez absolument sur le plan national que tous les pouvoirs de décision soient concentrés dans les mains du parti unique de Chirac: alors confiez votre avenir et celui de tous vos proches pendant 5 longues années dans les seules mains de Chirac et de son parti unique. Dimanche 16 Juin vous avez l’occasion de rompre avec cette logique antisociale et antidémocratique en votant: Espilondo.” Quelques jours plus tard: “Le premier tour de l’élection présidentielle nous a plongées dans l’inquiétude. Vous êtes sans doute nombreux à avoir été comme moi surpris et atterrés par la menace d’extrémisme et d’intolérance qu’il faisait planer.” Conclusion logique (et pratique): “Concentrer les votes pour la droite”.

National-socialistes et National-communistes (comme “certains nationalistes basques”) ont donc voté et fait voter pour Chirac, confiant leur avenir et celui de tous leurs proches pendant 5 longues années dans les seules mains de Chirac et de son parti unique. Les alibis électoralistes et opportunistes ont par-là montré qu’ils n’ont pas d’alternative politique à la droite traditionnelle. La “gauche” qui appuie Chirac “pour contrer Le Pen” (= appuyer le danger réel contre la menace imaginaire) a donné à la droite officielle une base de 82%: bien plus grande qu’elle n’aurait eue d’elle-même; elle a fait tomber les électeurs dans le piège concerté de la réaction institutionnelle, et cela pour bien plus que cinq longues années.

Les Nationalistes français se disant de gauche viennent de voter pour la droite officielle qui, grâce à eux, disposera d’une majorité écrasante pour opprimer les Peuples. Le résultat d’actualité est que les partis “démocratiques” vont pouvoir faire la politique que le FN n’est pas en mesure de faire tout seul, mais que la droite officielle va imposer avec le blanc-seing des partis dits de gauche et un soutien “populaire” dix fois plus important. Il n’y a pas lieu de s’étonner de l'union électorale “contre nature” de la majorité sortante et de la droite officielle: elle est toute naturelle. “Pour sauver la démocratie et la République”, les Nationalistes socialo-communistes ont voté pour rétablir le président affaibli, usé, décrié, discrédité et compromis des essais nucléaires et des affaires en tous genres; et – inévitablement, sous promesse de fiers et intraitables rétablissements aux législatives – ont donné la majorité absolue et son soutien parlementaire à la droite présidentielle. (Par la suite, ils ont continué à dénoncer “la menace Le Pen” pour apporter la réalité Sarkozy: un arriviste ambitieux et prétentieux comme ses prédécesseurs et succeseurs, sans plus de mission ou de capacité que d’exploiter pleinement les ressources de la violence que le Nationalisme totalitaire met à sa disposition.) Ils se diront de gauche mais ils ne sont que des Nationalistes de droite, et c'est tout.

Bien entendu, la “gauche” nationaliste ne s’est pas “alliée” à la “droite” officielle, puisqu’une alliance est un rapport entre entités politiques. Elle s’est incorporé, confondu, disparu dans ce sein nationaliste d’ont elle est née. Si “se couper en deux est le plus grand plaisir pour une cellule”, réunion, assimilation, confusion et entropie son la passion totalitaire des Nationalistes français.

Le FN est résultat et produit de la politique Nationaliste-totalitaire de la droite et la “gauche” officielles. Ce n’est pas la “montée” du FN qui fait reculer la “gauche” française; c’est l’inexistence de la gauche française qui permet la “montée” du FN. Le FN ne sort pas de la “droite” classique, pas plus que le Fascisme italien et le National-socialisme allemand ; bien au contraire, ils ont tous invoqué dans leurs origines le populisme National-syndicaliste “de gauche”.

L’extrémisme et l’intolérance, dont la menace soi-disant inquiète, surprend et atterre le député Nationaliste, sont bien plus qu’une menace et bien plus anciens que la “montée” électorale du FN. Il n’est d’ailleurs pas besoin d’une exceptionnelle pénétration pour remarquer que le FN est en même temps une tendance complémentaire et auxiliaire, un chausse-pied, un révélateur, un épouvantail, un moyen de pression, un facteur de conditionnement de l’opinion nationaliste, un fournisseur d’idées, un alibi et une référence permettant de placer, déplacer ou replacer la droite nationaliste réelle “au centre et à gauche” de l’échiquier politique conventionnel. Comment le RPR, le PsF ou le PcF pourraient être à droite ou à extrême droite puisque le FN s’y trouve déjà? Le FN est le moyen de camoufler la droite réelle et le Nationalisme français en général. C’est aussi pour ça qu’on l’a inventé.

La politique de la “gauche” nationaliste fait recours à la peur du pire comme moyen de mobilisation des masses populaires ; mais la peur du pire n’ouvre pas la voie aux forces démocratiques, elle l’ouvre à la réaction fasciste et National-socialiste, comme tant d’exemples historiques l’ont montré et démontré. Le régime franquiste (que la “gauche” nationaliste française a pour allié et modèle), ayant pris le pouvoir depuis depuis quatre-vingts ans et pour le garder à l’avenir, n’a plus besoin de monter un nouvel Halloween fasciste pour les Espagnols : si le fascisme qu’ils ont déjà – et n’ont jamais cessé d’avoir – ne leur fait plus peur, on voit mal de quelle “droite extrême” auraient-ils peur désormais.

Trouver des prétextes débiles “de gauche pour défendre la démocratie”, en faisant la politique de l’extrême droite, c’est la fonction réelle du National-socialisme petit bourgeois français. Ils viennent de montrer une fois de plus que la “gauche” nationaliste française n’est qu’un appendice de la droite officielle impérialiste, pour tromper les Peuples. Entre Fn, Rpr, PsF et PcF il n’y a pas de divergences de fond. Il y a des fonctions complémentaires ou tactiques, des différences formelles, et des intérêts divers concernant l’accès à l’assiette au beurre. La droite officielle fait ce que l’extrême droite officielle ne peut pas faire d’elle même, et la gauche officielle fait ce que la droite officielle ne peut pas faire d’elle même.

Quand on fait une politique de droite, il n’y a pas lieu de se surprendre si les électeurs s’en aperçoivent de temps en temps ; et si – s’en étant aperçus – ils préfèrent les valeurs sûres et sans fard de la droite et l’extrême droite officielles, aux travestis de la droite nationaliste “de gauche”. Ils peuvent toujours espérer qu’une nouvelle fois la droite officielle aura besoin de la “gauche” officielle pour faire passer les essais atomiques, les mesures “sociales” ou la répression coloniale, l’alternance convenant mieux que la cohabitation à un heureux et satisfaisant partage des responsabilités. Les manœuvres électorales de la droite réelle ont donné le résultat réel pour lequel ont été échafaudées. Bien joué, vieille salope.

Si les forces démocratiques sont réelles elles se manifestent avec son stratégie propre, dans toute l’étendue de la lutte des masses populaires. Elles ne sont pas à la merci des péripéties, électorales ou autres. Si une force stratégique de gauche existait, ces prétextes “tactiques” n’auraient pour elle aucun sens. L’ignorer n’est pas une erreur, ce n’est même pas un aveu d’impuissance: c’est un aveu d’inexistence dont les auteurs – mauvaise foi aidant – ne se rendent peut-être pas tout à fait compte. De débâcles présidentielles en déroutes parlementaires, ce sont parcours et péripéties annoncés d’une dérive obligée.

Des bandes “réalistes-opportunistes-possibilistes-minimalistes-radicales et modérés”, qui arborent des signes basques d’identité, viennent de se fondre et se confondre une fois de plus avec les Nationalistes français “pour sauver les valeurs démocratiques et faire reculer le nationalisme et le fascisme”, en confortant le pouvoir en place: c’est le pouvoir qui, avec leur appui et caution, va s’abattre sans frein ni mesure sur le Pays Basque qu’ils disent représenter. La “gauche” française et ses ralliés départementalistes ont en commun d’être des fictions dont les agissements mettent en évidence l’inexistence. Leur seul sens c’est la récupération et le dévoiement de la stratégie de libération des Peuples.

L’ensemble réaliste-possibiliste-minimaliste-opportuniste-électoraliste Pnv-Eta ha découvert depuis longtemps le truc absolu pour “gagner des élections”, dont les conditions politiques objectives et subjectives imposaient et annonçaient les pitoyables résultats. Il suffit de présenter un programme français qui ne fera pas peur aux Nationalistes français, qui sont l’électorat réel et qui voteront pour nous dès qu’ils verront que nous sommes au fond aussi Nationalistes français qu’eux-mêmes. Il suffit de fausser et départementaliser le droit d’auto-détermination avec le fol espoir de le rendre acceptable au National-chauvinisme dominant. Il suffit de jouer le parti français gagnant, dont les candidats deviennent ainsi les “nôtres”. ‘Nahiz ez düdan esküin bozkatzeko üsantxarik, ezkerreko binagre nahasi hori beno nahiago nüke hor esküineko ardo sano bat’, écrit Davant. [“Même si je n’ai pas l’habitude de voter à la droite, mieux que ce vinaigre brouillé de la gauche je préférerais un bon vin de droite.”]

Grace à cet époustouflant tour de passe-passe, dont “les faits ont démontré l’efficacité”, ceux qui ont voté pour le PsF “en obtenant” ainsi des députés du PsF et même “un parlementaire européen et de plus une femme”, ils ont eu aussi le loisir de voir leur représentante-présidente interrompre le course d’une intervention parlementaire pour rappeler au coupable, à toute l’Assemblée et a l’Europe toute entière, que “le Peuple Basque, ça n’existe pas”. Le même procédé leur a permis maintenant voter, “pour sauver la démocratie dans le Pays Basque”, au parti Nationaliste de Chirac, Debré, Toubon, Pasqua, Sarkozy y Cia: expression réelle et actuelle du déni des droits des Peuples et des Peuples mêmes, inconditionnellement appuyé par le national-socialisme français dans son intégralité. Ils ont obtenu rien de moins qu’un président de la République et, partant, une majorité présidentielle absolue au parlement. Où donc s’arrêteront leurs triomphes, à la mesure de leurs ambitions?

“Nous ne devons pas oublier que Hitler arriva au pouvoir par la voie démocratique. Les municipalités sont la base de la démocratie et des institutions républicaines. Les nationalistes entrent dans les municipalités pour pervertir les fondements de la démocratie française, pour mettre en doute l’unité de la République et le pacte républicain. S'ils choisissaient leur propre liste, dans le respect de la démocratie, je serais d'accord. Pourquoi pas, si c'est pour défendre les valeurs de la gauche? Mais je ne crois pas que ce soit le but des nationalistes. (!) Mais il y a aujourd'hui danger si ces gens rentrent dans les institutions démocratiques qu'ils nient.”

Mais que des basques s'abstiennent aux “élections” françaises ou qu'ils participent, cela “prouve”, dans tous les cas, leur caractère “antidémocratique”. Ils mettent par là en danger, ils risquent de pervertir et déstabiliser “les institutions démocratiques de la France qu’ils nient et l'unité de la République démocratique fondée depuis des siècles sur la volonté du peuple”.

“J’ai toujours fait le choix de la fidélité aux valeurs démocratiques, du contact permanent avec le terrain et du parler vraie. C’est aussi faire le choix d’une certaine éthique politique. Dans la clarté, toujours dans la clarté. La vie politique doit être claire. Je refuse le double langage. Nous condamnons l’alliance de la majorité sortante et des nationalistes. Nous n’acceptons pas les compromissions électoralistes et le double langage de certains. Lorsque je vois les candidats RPR et UDF avec les nationalistes, j'y vois des alliances contre nature. Lorsqu’elle s’est fourvoyée dans une alliance avec le PNV et les abertzales [sic], la droite angloaye a mis entre parenthèse les principes républicains et joué à l’apprenti sorcier. Vous êtes nombreux à vous en inquiéter.”

On comprend par ailleurs l’inquiétude d’Espilondo devant les tactiques irrégulières, déloyales et ignobles de ces électeurs indésirables qui ont l’impudence de voter les candidats de la gauche et la droite françaises réunies, détournant à leur profit sinon la lettre des lois du moins leur esprit Nationaliste et républicain. Ce sont surtout son intégrité, “son choix et son sens de l’éthique, du parler droit, vrai et clair” qui s’y trouvent choqués, froissés et blessés. C’est “son refus du double langage”, et son attachement au discours unique et monopoliste, nationaliste et fasciste qui nourrissent son indignation.

Des gens qui votent pour les candidats du RPR, du PsF et du PcF ont toujours été considérés comme des Nationalistes français. Quelques d’entre eux, bien sûr, ils se disent “nationalistes basques”, mais qui les croira? Faudra-il qu’ils se disent nationalistes français pour qu’ils soient démasqués et dénoncés en tant que nationalistes basques infiltrés dans le réseau républicain? Alors, à qui se fier? Espilondo lui-même pourrait très bien être lui-même avoir été infiltré pour une opération de (très) longue portée. Les exemples historiques ne manquent pas; quoique ils se situent presque toujours du côté des provocations policières et des services d’intelligence et d’espionnage et contrespionnage officiels, dont les agents en sont souvent arrivés à ne pas savoir eux-mêmes de quel côté ils se trouvaient. Normalement les classes opprimés n’en ont pas les moyens, et en général sont “devenues” trop bêtes pour ça. Mais, faute de preuves et de critères fiables, faudrait-il juger dans son âme et conscience? Ou faudra-t-il persister dans la chasse aux sorcières, puisqu’il “vaut mieux bruler vifs cent innocents que laisser s’échapper un seul coupable”?

Mais dans ce cas il n'y a aucune raison de s'inquiéter, parce qu’Espilondo a la solution : “Je voudrais bien voir si ces gens vont le 11 Novembre devant les pierres du souvenir, s'ils se mettent au ‘garde-vous’ quand les trois couleurs du drapeau français montent au mât, aux accords de la Marseillaise, s'ils s'inclinent devant ceux qui ont lutté pour la République française.”

Heureusement pour la démocratie “ces gens-là”, malgré leur honteuses et odieuses tricheries, leurs manque de scrupules et les illusions que certains d'entre eux se faisent de pouvoir utiliser à leur fins les “élections démocratiques” qui leur sont imposées, n'ont pas réussi à mettre en défaut la perspicacité d'Espilondo, bien trop malin pour ça. Il dispose pour démasquer les ignobles nationalistes basques et défendre la République non-nationaliste, de critères presque aussi infaillibles que ceux dont disposait Delancre pour défendre la monarchie en démasquant les sorciers et les possédés de France et de Navarre.

Crucifix, eau bénite, épingles, tenailles, brodequins, fer, feu et autres révélateurs éprouvés de la Justice royale ont été avantageusement remplacés, grâce au républicain Espilondo, par la vision des trois couleurs montant au mât et l'audition de la Marseillaise. Si, soumis à un traitement semblable, les patients ont le teint blême, l'écume aux lèvres, les yeux révulsés, les membres convulsés, parmi d'autres manifestations de désagrément caractérisé, il ne saurait y avoir de doute: ces gens se disant sournoisement nationalistes basques sont effectivement des nationalistes basques, et non des Nationalistes français.

IX

“Je ne dénie pas à ces gens le droit de penser différemment: je leur dénie le droit à la violence. Celui qui prend une arme connaît les risques, qu'il les accepte et c'est tout, et qu'il n'envoie pas les gens pleurer ou manifester”, écrit Espilondo. Le PcF renchérit : “Les communistes condamnent avec vigueur le terrorisme, les assassinats, le racket pratiqués par l'Eta. Les nationalistes refusent de condamner les actes de l'Eta. Durant les sommets de Biarritz et de Nice, les nationalistes basques se sont livrés à des violences inadmissibles, en particulier en profanant le monument aux morts d'Anglet. Les communistes continueront avec beaucoup d’autres à combattre le nationalisme, le terrorisme. Ils persisteront à agir pour la paix”.

Les Nationalistes français, tout comme les espagnols, condamnent “toute violence d’où qu’elle vienne”. Mais, en condamnant “toute violence d’où qu’elle vienne”, les National-impérialistes espagnols et français visent en réalité la “violence” des autres, qui fait obstacle à leur violence à eux. Le “rejet de toute violence” ainsi proclamé n'est autre chose que l'affirmation du monopole de la violence pour le Nationalisme-impérialisme français et espagnol.

Faire le récit des faits de violence accomplis par le Nationalisme espagnol et français à travers le monde, ça serait tâche impossible. Et il ne s’agit pas là d’un passé simple ou simple passé, mais de l’élément constituant des rapports politiques actuels. L’empire français, ici et ailleurs, a été obtenu et conservé par la violence, c’est-à-dire : par la violence criminelle. On ne peut pas la condamner sans condamner l’Empire lui-même, qui en est le résultat. On ne peut pas garder l’Empire sans assumer, reconnaitre, approuver et revendiquer le rapport continué de violence criminelle qui en est le constituant. On ne peut d'ailleurs justifier et garder un Etat quelconque, démocratique ou non, sans approuver et appuyer le rapport permanant de violence : qu’elle soit légitime ou criminelle, qui le constitue et sur laquelle il a été constitué. Si l'idéologie dominante a amené les populations au niveau de stupidité ou confusion nécessaire pour pouvoir leur faire croire que la politique française n'est pas violence, comme elle n'est pas Nationalisme, cela prouve seulement la portée inouïe des monopoles de violence étatiques et des monopoles assortis de conditionnement et intoxication idéologiques des masses.

Pour ce qui est du “terrorisme”, les journées et les siècles “qui ont fait la France” en sont combles. C'est à la Révolution que le nom a été inventé, sinon la chose. La Terreur a été exaltée et imposée en tant que mode républicain de gouvernement. La dictature bolchevique elle-même a été à l'école de la terreur de la Révolution française et de la Commune, avec le souci déclaré de ne pas commettre les mêmes erreurs en faisant les choses á moitié.

Pour l’idéologie dominante, les termes de ‘violence’ et ‘terrorisme’ signifient ce que, selon le cas, le pouvoir établi décide qu’ils signifient. Ils n’ont pas d’acception univoque. Ils correspondent à une amalgame de significations diverses – formellement contradictoires mais idéologiquement intégrées – que se succèdent, s’accumulent ou se combinent selon les exigences de la propagande, la guerre psychologique et la pratique politique.

Ainsi, la technique idéologique fasciste et impérialiste au sujet de la violence joue sur plusieurs volets : formellement contradictoires mais intégrés dans un amalgame aussi confus qu’idéologiquement fonctionnelle. Sur un premier terme, “on” joue sur “le refus de toute violence”, de façon à proclamer la pureté non violente du régime. Cela permet la récupération frauduleuse et équivoque de notations et connotations positives et négatives, de façon à conditionner la réaction émotionnelle et affective des groupes sociaux craignant la violence : historiquement punis, fragilisés ou infantilisés. Ensuite, et si l’incompatibilité entre cette pureté non-violente du régime qui est affichée, et la réalité des institutions politiques – donc constituées par la violence – devienne peut-être mis en évidence dans le débat théorique qui peut-il s’ensuivre, cela amène les théoriciens de l’impérialisme à un éventuel repli tactique sur une deuxième ligne de défense de leur position, qui est formellement contradictoire avec la première. “Ce n’est pas ce qu’on voulait dire”, répondent-ils. (Mais ils le disent quand même, tant que ça marche. Et ils le rediront, dès qu’un autre interlocuteur donnera les signes d’stupidité qu’en feront une victime idéale de plus, ou des que le monopole publique de répression et conditionnement de masse garantira l’expression solitaire des théoriciens du régime.)

Contraints à ce repli tactique, les idéologues de l’impérialisme recourent alors à des idées plus étroites et qualifiées de violence: ‘violence bonne’ contre ‘violence mauvaise’, ‘violence défensive’ contre ‘violence offensive’ ; étant la ‘bonne violence’ toujours la leur, et ‘la mauvais’ étant celui des autres. Comme nous l’avons déjà indiqué, cela est en contradiction formelle avec le rejet initial “de toute violence” dont ils sont partis, et avec leur énoncé de base corrélatif, à savoir : que “toute violence est intrinsèquement mauvaise”, car s’il y a une bonne violence, alors “PAS TOUTE” violence est mauvaise. Face à cette difficulté, la solution à laquelle “on” en arrive, consiste à déplier et décomposer les termes et les concepts pour cacher l’essence : ontologiquement et matériellement identique, de toute violence.

De cette façon, les termes ‘coercition et force’ : revêtues de connotation positive grâce au conditionnement idéologique, correspondent et sont ceux utilisés lorsqu’il s’agit de nommer sa propre violence, qui est si bonne qu’elle n’est pas et n’est même pas appelée ‘violence’. Ces termes: ‘coercition ou force’, restent donc “différenciées et opposées” au terme ‘violence’, d’une connotation négative, qui est et correspond toujours à ce que font les autres. Avec cela, on peut se tourner vers le point de départ, à savoir : “le rejet de toute violence”, puisque – par désignation décisoire – ‘violence’ est et est appelée uniquement ce que les autres font contre soi-même, et non ce que l’on fait contre les autres. Disparu même le nom qui rappelle la violence monopolistique de l’Etat, nous sommes informés ensuite que: “le droit c‘est la force”; “le Gouvernement poursuivra le terrorisme avec toute la force de l’État de droit”; “En Corse, le Gouvernement de la République s’opposera contre la violence par la pleine force de l’Etat de droit” etc.

Il s’agit, avant tout, d’empêcher que la question vraie et unique qui importe soit visualisée, à savoir : si la ‘violence/coercition/force’ (termes différents pour désigner une même réalité matérielle), ainsi que la légalité ou expression juridique qui est fondée sur cette réalité matérielle de violence, sont appliquées pour la défense des droits humains fondamentaux et surtout du droit de libre disposition ou autodétermination des Peuples : premier des droits humains fondamentaux et la condition préalable de tous selon la Loi International, auquel cas il s’agit d’une ‘violence/coercition/force’ et d’une légalité légitimes; ou si, au contraire, elles sont appliquées à la violation de ces droits fondamentaux, auquel cas il s’agit d’une ‘violence’ etc. et d’une légalité illégitimes et criminelles. “Logiquement”, tout cela est caché par les idéologues de l’impérialisme.

Finalement, et par une approche pratique, technique et strictement légal, ces idéologues et légistes déterminent par construction décisoire le terme et le concept de ‘violence politique’, désormais identiques de ceux de ‘terrorisme’.

“Par  conséquent”, c’est ‘terrorisme’ toute opposition réelle ou virtuelle au gouvernement français ; ne l’est pas ce que le gouvernement français est ou fait. Une interprétation super-extensive, établie à l’aide des critères d’analogie, de responsabilité, de résultat et de situation sociale : notamment formulés et mis en pratique par les régimes totalitaires de l’avant-guerre, fait que le délit de “terrorisme”, sous la poussé de la crise de l’ordre et le désordre internationaux, devient le seul délit (politique) par incorporation et assimilation de tous les autres. “On” évite ainsi – par l’évidence vide mais sans recours du truisme – tout éventuel problème de qualification ou imputation.

Dans cette délibérée incohérence formelle des idées concernant la violence et le terrorisme, se manifeste la opposition classique entre “l’idéologie de la réalité et l’idéologie de l’illusion” ; une opposition que se développe par la “division du travail entre idéologues de la réalité et idéologues de l’illusion”, et qui correspond, organiquement, à “l’opposition” entre les monopoles de la violence, d’un côté, et les monopoles de propagande, conditionnement idéologique et guerre psychologique, de l’autre.

Lorsque le Conseil municipal de St. Jean de Luz, sous la direction (RPR) du maire Nationaliste – français – Larramendi (élu officieuse du Pnv), “condamnait toute violence d’où qu’elle vienne”, tout en demandant “en conséquence” au Ministre de l’Intérieur l’envoi de renforts de police, on savait bien qu’on ne pouvait pas aller plus loin dans le domaine de la mystification et l’irrationnel idéologiques. Il aura fallu attendre le Nationalisme contemporain pour atteindre ce degré de formelle mais fonctionnelle stupidité. Le successeur (RPR aussi) de Larramendi en la maire assume désormais sans aucun problème sa fonction municipale non-violente à la charge cumulée de Ministre de la guerre non-violent, avec les armes atomiques de destruction massive comme l’arme non-violent fondamentale, sans provoquer pour autant des remous dans le Consistoire.

Après étude serrée, sans doute, des moyens de la guerre “défensive”: dès la Grande Muraille aux Longs Murs d’Athènes, dès la Ligne Maginot à la Guerre des Étoiles, dès les soldats de l’An II à la guerre de Vendée, dès l’Armée Populaire suisse aux grèves de 1915; après avoir dépassé des trop prussiennes considérations sur les rapports entre l’attaque et la défense en tactique et en stratégie, et sur les conditions nationales, géographiques, économiques, techniques, morales ou humanitaires de l’armement du peuple; après avoir dépassé Jaurès lui-même et son Armée du peuple, le nationalisme français moderne a tranché en faveur de l’armée gouvernementale professionnelle strictement défensive, dissuasive, pacifique et non-violente dont la “force de frappe” est le moyen fondamental.

Bien sûr, il n’est pas question d’utiliser l’arme atomique, il s’agit seulement de faire peur. Les services d’illusionnisme idéologique espèrent bien que les âmes candides et non-violents voudront les croire, tout en escomptant que “l’ennemi” ne les croira pas, parce que s’il les croyait, la force de frappe ne vaudrait pas pipette tout en coutant diablement cher. Une arme n’est pas une arme sans la volonté de s’en servir en tant que arme, et n’a pas de virtualité dissuasive sans la crédibilité de cette volonté. Du point de vue dissuasif mieux vaut une volonté inexistante mais affichée, qu’une volonté réelle mais désavouée. Encore une fois: le double discours, formellement contradictoire, est cependant idéologiquement rentable, à ce qu’il parait.

En tout cas, l’arme suprême de la terreur fait l’unanimité des Nationalistes français “de droite et de gauche”, laïques ou cléricaux, qui par ailleurs n’hésitent pas par ailleurs à condamner toute violence d’où qu’elle vienne. (L’exception terroriste est sans doute inséparable de l’exception culturelle et de toutes les autres exceptions dont bénéficie le nationalisme français, lui-même exceptionnel dans son ensemble.) La “gauche” nationaliste, si sensible et opposée à toute forme de violence venant des autres, a eu peut-être beaucoup de mal à s’en accommoder a cette unanimité ; mais leur adaptation c’est désormais chose faite et aux dernières nouvelles ses leaders et supporters se portent bien. D’ailleurs – fait rassurant – le Ministère de la guerre a disparu depuis longtemps pour laisser la place à celui de la défense. Toute velléité de guerre offensive est désormais écartée – semble-t-il – des émotions nationales françaises. (On sait sûr, en tout cas, que la France n’a pas l’intention de déclencher une attaque nucléaire contre les Etats-Unis ou la Russie.)

Mais le Gouvernement français exige sans relâche le renoncement à toute violence en Corse, comme il l’a fait en Algérie, à Madagascar ou en Indochine, tout en renforçant sans cesse son propre monopole de la violence sur l’île conquise et occupée par le sang et le feu. Pendant ce temps son Marseillaise, pénalement protégé, continue d’inciter à abreuver la terre avec le sang impur des autres.

De leur côté, les Évêques de France ont solennellement proclamé dans une pastorale non seulement le droit mais l’obligation qui ont les Français de l’utiliser l’arme nucléaire “en cas de besoin” (quand même). (Dans ces choses-là, la moral ecclésiastique est très exigeante, et sa casuistique extrêmement stricte: on ne devrait, sans plus, par goût ou simple caprice, lâcher des bombes dont la capacité cherchée et l’objectif initial officiellement avoué – pour ceux qui ne se font pas une idée très claire de ce que “force de frappe et armes de dissuasion” veut dire – c’était de liquider en quelques heures cinquante millions de personnes humaines de tout sexe et condition.)

Comme résultat d’une telle position épiscopale, même Toulat avait dû interrompre là sa série d’articles de dénonciation de la violence et d’exaltation de la non-violence, en proie á un besoin soudain, urgent, pressant et opportun de s’attaquer à une nouvelle suite thématique au sujet de l’Immaculée Conception. Ça n’a pas été le cas pour l’Evêque des Basses Pyrénées: il condamne sans nuance et avec la plus grande fermeté toute violence d’où qu’elle vienne, hormis des monopoles françaises (et espagnoles) de violence dans les territoires occupés des Peuples subjugués par l’Impérialisme français (et espagnol). Il condamne les attentats, mais affirme la nécessité et la légalité des forces de répression français, de la police française, de la “Justice” française, et des prisons françaises. Msr. Moleres n’aime pas les petites bombes, il affectionne exclusivement les grosses bombes: si possible nucléaires, mais toujours utilisées par l’armée française au service du Nationalisme français.

Pour ce qui est des “attentats” terroristes, la “gauche” nationaliste s’en est fait une spécialité, battant largement la “droite” à ce jeu, des exploits de Nouvelle Zélande et de Nouvelle Calédonie aux accords de Latché et ses suites. Leur traitement par les services d’intoxication du gouvernement social-chauvin n’a pour autant pas incommodé le profond sens éthique d’Espilondo, ni son choix sans compromis du parler vrai et clair. Et pourtant, ces “affaires très spéciales” (vid. P. Aussaresses; ‘Services Spéciaux. Algérie 1955-1957’) de la “gauche” nationaliste au pouvoir, ces assassinats terroristes en série déclenchés sur la même Côte Basque ne sont qu’une partie infime dans le système de violence qui constitue l’impérialisme français; tout comme la corruption et les attentats financiers ne sont qu’une partie infime du système d’extorsion et corruption qui sous-tend l’économie impérialiste. Il est connu que, en France comme ailleurs, la corruption a toujours été la spécialité “naturelle” de la “gauche”, elle a les conditions pour ça.

X

“Comme le disait Jaurès, dans mon opinion le nationalisme porte en soi la violence comme les nuages portent la tempête.” Pour des raisons diverses de psychologie collective, Jaurès se trouve être le plus populaire des politiciens français toutes époques réunies, avec Henri IV et Arlette Laguillier. En assumant, avec toutes les conséquences, le nationalisme et la culture de la nation dominante, Espilondo a aussi compris le profit qu’on peut en tirer pour la tâche sacrée dont il s’est fait le serviteur enragé. On voit bien que dans le Jaurèssic Park du nationalisme français on peut faire les plus mauvaises rencontres.

Il faut donc revenir sur les textes et les contextes historiques pour mesurer l’hypocrisie, le manque de scrupules et la xénophobie exacerbée dont la “gauche” Nationaliste française (comme celle d’Espagne) fait preuve dans sa haine et sa fureur à l’encontre du peuple basque. Parce que, apparemment, pour ça les Nationalistes français ont même besoin de détourner, de fausser sans vergogne et de calomnier Jaurès.

Jaurès ne pensait pas que “les travailleurs n’ont pas de patrie”; en tout cas les travailleurs français en avaient bien une. Il disait que le patriotisme s’enracine dans “la physiologie de l’homme”, ce qui en rendait l’éradication particulièrement délicate pour le sujet organique, et d’autant plus inquiétante pour l’humaniste. “Chaque conscience individuelle, jusque dans les formes individuelles de l’instinct de conservation, est enveloppé par la conscience nationale.” “Lorsqu’elle vibre au signal donné par la liberté en péril, toute âme sait qu’elle est à l’unisson de la Patrie; c’est la patrie elle-même, c’est la commune liberté qui vibre en elle.” “Le sentiment national et le sentiment démocratique sont inséparables.” “Liberté et Patrie sont inséparables.” “Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène.” “Toutes les patries se valent, mais c’est précisément parce qu’elles se valent qu’aucune n’a le droit d’asservir les autres.” “Il n’y a vraiment humanité que là où il y a indépendance, volonté active, libre et joyeuse adaptation à l’ensemble.” “L’indépendance et l’intégrité de la nation”, de la sienne en tout cas, lui tenaient à cœur. Son droit de libre disposition aussi: “la France seule peut disposer de la France”.

D’autre part, puisque toute reconnaissance des Nations dominées par l’impérialisme – ainsi que de leur droit inhérent de libre disposition ou autodétermination – était exclue, il faut ramener à sa vraie dimension l’attitude de Jaurès envers les cultures des peuples européens annexés à la République. (La récupération tous azimuts reste réservée à la propagande impérialiste, qui – elle - en a les moyens.)

Jaurès était Occitan d’origine, comme Rivarol, Barrère, Combes, Doumergue et tant d’autres Nationalistes français qui s’étaient attachés à la lutte contre “cette diversité d’idiomes grossiers” et de cultures “enfantines et barbares” : foyers naturels de “féodalisme et séparatisme” ; ceux-ci, bizarrement, sévissant toujours – malgré le totalitarisme et le Terrorisme d’Etat – parmi des nationalités qui “s’étaient pourtant ralliées dans l’enthousiasme et l’adhésion du cœur”. Jaurès parlait couramment sa langue d’Oc, qu’il appelait “patois”, quoiqu’il trouvât ce nom “grossier”. Il s’en servait pour ses campagnes électorales, et même pour faire des blagues à l’Assemblée. Il s’était rapproché des Félibres et déclaré en faveur de “l’enseignement de ces langues” que la République avait décidé de supprimer, même du Basque, qu'à la Révolution on avait honnêtement classé comme langue étrangère.

La République avait déjà connu la “tolérance” de 1790-1793. La Grande Terreur (1793-1794) s’était aussi réalisée en tant que “terreur linguistique”, officialisée par les Décrets de Ventôse et mise en pratique par l’Ange de la Vertu – Louis A. de Saint-Just – en personne. Après l’échec de l’entreprise Grand-Terroriste, les Thermidoriens avaient été contraints d’autoriser “l’enseignement bilingue” des 1794. L'admirable et admiré Ferry (celui qui, “de plus en plus hostile à la centralisation et l’autorité” face à l’Empire, avait dit: “La France a besoin d’un gouvernement faible”) avait plus tard mis une administration de plus en plus contraignante et totalitaire en mesure de porter de nouveaux coups aux peuples annexés, dont les langues et les cultures avaient résisté, bien que mal, aux Monarchies, aux Républiques et aux Empires. Et pourtant Jaurès disait: “Il y a une autre raison pour laquelle l’Etat doit respecter la liberté des communes: c’est qu’en matière d’enseignement philosophique et moral l’Etat ne peut approprier son enseignement à la diversité de tous les esprits et de tous les milieux”. Il était sans doute malvenu de pousser plus loin un raisonnement aussi subversif. Comme l’a dit Françoise Gurdji (Giroud): “Désormais nous savons que partout, à la même heure, dans toutes les écoles de France, les écoliers sont en train d’apprendre la même chose: c’est un grand progrès”.

Le républicain Jaurès était sans doute plus sincère que son “disciple” Espilondo et autres “partisans de l’enseignement du basque” sous le monopole de “l’Education nationale”. Mais, dans la mesure où le contexte politique et linguistique n’est pas le même, l’enjeu posé par le maintien actuel de la Langue (avec les moyens supposés pour y parvenir) n’est pas perçus de la même façon; et c’est que ce prétendu et impossible “bilinguisme” qui nous est offert aujourd’hui : fondé sur l’assujettissement national/étatique de notre Peuple, n’empêche pas mais implique l’humiliation et entraîne la liquidation de la Langue “enseignée”. “L’enseignement” de ces Langues, et d’autres mesures semblables, sont destinées à tromper et récupérer les Peuples assujettis. “Notre mission est d’aider les langues minoritaires à mourir doucement.” (Morvan.)

Les langues sont nationales ou elles ne sont pas. Les langues “secondaires, minoritaires, locales ou régionales” : ça n’existe pas et ne peut pas exister ; pas plus que leurs cultures et leurs Peuples, dont elles sont inséparables. L’impérialisme le sait, parfois il le dit, ses victimes ne s’en rendent pas toujours compte. Continuons, cependant, avec l’analyse des vraies affirmations de Jaurès.

XI

Même si sa méthode caractéristique - où se combinent de façon très éclectique et personnelle idéalisme et matérialisme, illusionnisme et réalisme, Nationalisme impérialiste et internationalisme, réforme et révolution, violence et pacifisme - rends souvent subjectives et provisoires les appréciations, difficiles les synthèses et incertaines les conclusions, néanmoins Jaurès n’ignorait pas les rapports d’implication mutuelle entre la guerre, le Nationalisme impérialiste, l’impérialisme et le capitalisme. Leurs contraires: la paix, l’internationalisme, la liberté nationale et le socialisme s’avérant en tout point problématiques, il comptait cependant pour les sauvegarder sur une panoplie varié et classique: le respect des libertés, le souci de la justice et de la paix, les accords internationaux, le système de garanties, l’arbitrage international, l’abandon des traités secrets, le respect du ‘status quo’ contre des nouvelles annexions, l’équilibre des puissances, la défense nationale et l’armée populaire, le désarmement simultané, la Ligue pour la Paix, enfin la grève générale internationale de masse et l’insurrection populaire. “Seule, la classe ouvrière, internationalement organisée, pourra faire équilibre aux formidables forces de conflit et de haine qui s’exaspèrent.” “C’est la paix socialiste qui se fera.”

Jaurès ne s’est jamais prétendu “contraire à toute violence d’où qu’elle vienne”. Il comptait sur elle. Il fallait s’en servir en cas de besoin ; ce en quoi tout le monde ou presque se trouvait être bien d’accord :

“L’internationale recommande aux prolétaires d’éviter la guerre, mais elle leur prescrit de sauvegarder l’indépendance des nations.” “Notre projet est d’accroitre la puissance défensive de la France.” “On me dit: ‘Il faut encore des canons’, comme si je déclarais inutile en ce moment la préparation matérielle de la guerre.” “Que nous ayons, comme nous l’espérons bien, la Paix ou au contraire, par la criminelle folie de l’agresseur, la guerre sainte pour notre France bien aimée: Liberté et Patrie sont inséparables.” “Il n’y a pas aucune contradiction à faire l’effort maximum pour assurer la paix et, si la guerre éclate malgré nous, à faire l’effort maximum pour assurer, dans l’horrible tourmente, l’indépendance et l’intégrité de la nation.” “Que les peuples disent bientôt de notre France que jamais sous une armure plus forte ne bâtit un cœur plus doux.” “Puisque nous allons assister et participer à une énorme tension militaire, c’est une nécessité vitale de discipliner la force militaire selon l’esprit d’une nation libre, ou nous irons tout droit à la dictature la plus absorbante.” “L’admirable mouvement national soulevé par notre héroïne Jeanne d’Arc”, et l’Armée révolutionnaire, ont toujours inspiré le pacifiste Jaurès.

Bien entendu Jaurès réprouvait les attentats anarchistes ou prétendus tels, d’autant plus qu’ils avaient permis aux députés de voter les “lois scélérates” qui limitaient à nouveau les libertés républicaines et exposaient l’opposition - donc son propre parti - à une répression accrue et de plus en plus arbitraire. Jaurès demandait que les grands financiers et les politiciens corrompus à leur solde : responsables de tant de crimes, fussent poursuivis pour provocation aux actes de propagande anarchiste. Plus loin allait Lénine qui, tout en montrant la nécessité de la lutte légale et illégale, montrait aussi les limites et le caractère illusoire du “terrorisme individuel”. Partout, comme au Pays Basque, les attentats : produit de la faiblesse et l’immaturité des forces populaires, ont été provoqués, manipulées ou utilisés par la réaction Nationaliste, impérialiste et totalitaire, en tant que prétexte et alibi de la répression et la terreur contre toutes les libertés démocratiques et contre toutes les formes de résistance à l’oppression.

(Dans ce domaine idéologique les oppositions sont souvent trompeuses, et les conceptions biologiques, physiologiques et raciales de Jaurès s’accordent sans difficulté avec l’spiritualisme et l’angélisme désincarnés d’Espilondo et sa clique nationaliste d’Anglet: “Je ne dénie pas à ces gens le droit de penser différemment; je leur dénie le droit à la violence. Celui qui prend une arme connaît les risques, qu'il les accepte et c'est tout, et qu'il n'envoie pas les gens pleurer ou manifester”.)

En 1885 Jaurès avait voté les crédits de guerre pour le Tonkin. En 1887, au moment de l’affaire Schnæbelé, il était pour les crédits militaires pour l'Algérie dans “le silence patriotique des parlementaires.” En 1903, il demandait le budget de “la pénétration pacifique” au Maroc. En 1904, Guesde lui reprochait de “voter les budgets de la guerre et de la marine”; ce que Jaurès avait personnellement évité de faire. Mais “Les vôtres les ont votés  disait Guesde cette année-là, s’adressant à Jaurès et au PsF. Votre erreur est dans votre conception socialiste qui n’a rien de socialiste; vous faites surgir votre socialisme de la République, alors que nous le faisons surgir de l’évolution capitaliste. Votre méthode c’est le nationalisme sous une forme plus dangereuse qu’une autre!”. En 1908 Jaurès refusait les crédits militaires supplémentaires.

L’armée populaire et défensive, “L’Armée nouvelle” de Jaurès, devait être l’instrument du peuple, autant en vue de la “défense nationale” (la lecture de Clausewitz avait porté ses fruits) qu’à l’égard de son propre gouvernement et, par là même, le garant de la paix mondiale. Ce qui posait tant de questions que tout l’ensemble des problèmes politiques – sur la nature du pouvoir, la démocratie et le socialisme, les relations et les institutions internationales, l’impérialisme, la révolution, la guerre défensive ou offensive – se trouvait posée en même temps. (Il n’est pas facile de discerner dans quelle mesure l’Armée populaire résout les conflits, ou les suppose résolus.)

Même si - avant ou après avoir vu Ferry à l’œuvre - on ne saurait rien ignorer de l’unité profonde entre armée, enseignement et impérialisme, on peut se poser des questions sur l’idonéité de l’éducation militaire pour “élever le niveau de la race”, comme Jaurès lui donnait pour mission. Le patriotisme “tient par ses racines mêmes” “à la physiologie de l’homme”, mais il est permis d’abriter des doutes sur les effets en retour de l’éducation militaire sur le génotype et le phénotype républicains. Le manuel d’instruction militaire était plus explicite qui prescrivait d’imbuer dans l’esprit des recrues “le sens de la supériorité de la race”. Peut-être les études scientifiques - qui ne tardèrent pas à établir que l’urine allemande avait un taux d’acidité très supérieur à celui de l’urine française - ont aidé à la saisir (la supériorité, non l’urine).

(Des études comparées sur les spécifiées des taux d’acidité urinaire des sénégalais, basques et autres recrues de l’armée républicaine font malheureusement défaut, des échantillons fiables n’ayant même pas été ramassés à la source, s’il nous est permis de désigner ainsi l’organe distributeur.)

Puisque “français est un nom ethnique”, selon le Petit Larousse, on pourrait dire tout simplement “urine républicaine”; ce qui évite tout ethnicise formel et le recours aux mélanges, les moyennes ou les procédés statistiques aussi manipulables que l’objet d’étude. Ou encore établir constitutionnellement que l’urine française es l’urine de la République; ce qui a des précédents linguistiques et ne manque pas d’allure. Les Empires Centraux n’avaient pas besoin d’en arriver là, l’urine ethnique étant censée correspondre en gros, sinon au détail, à l’urine impériale.

À un niveau plus général, des rapports univoques entre acidité urinaire, agressivité nationale et nationalisme impérialiste n’ont encore pu être établis. L’implication de l’urologie dans la sociologie présente des difficultés épistémologiques qui rendent hasardeuses les hypothèses, et peu fiables les conclusions.

Les savants les plus naïfs ont été obligés de constater que “la science elle-même a perdu sa sereine impartialité. Ses serviteurs, exaspérés au plus haut degré, lui empruntent des armes à fin de pouvoir contribuer, à leur tour, à terrasser l’ennemi. L’anthropologiste cherche à prouver que l’adversaire appartient à une race inférieure et dégénéré; le psychiatre diagnostique chez lui des troubles intellectuels et psychiques”. (S. Freud.)

“Les considérations qui précèdent nous apportent déjà une première consolation, en nous montrant que la tristesse et la douloureuse déception que nous avons éprouvées à la vue des actes, si peu conformes à notre idée de la vie civilisée, dont se sont rendus coupables nos concitoyens du monde, n'étaient pas justifiées. En réalité, nos concitoyens du monde ne sont pas tombés si bas que nous l’avions cru, pour la simple raison qu’ils n’étaient pas à un niveau aussi élevé que nous nous l’étions imaginés. Ayant laissé tomber, les uns à l'égard des autres, les restrictions morales, les grands individus humains, peuples et états, ont cru pouvoir se soustraire momentanément aux obligations découlant de la vie civilisée et donner libre cours à leurs penchants refoulés, avides de satisfaction. [...]; ce qu'il y a de primitif dans notre vie psychique est, au sens littéral du mot, impérissable. [...].

“Mais nous avons constaté chez nos concitoyens du monde un autre symptôme qui ne nous a peut-être pas moins surpris et effrayés que la baisse, si douloureuse pour nous, de leur niveau moral. Je fais allusion à leur manque d’intelligence, à leur stupide obstination, à leur inaccessibilité aux arguments les plus convaincants, à la crédulité enfantine avec laquelle ils acceptent les affirmations les plus discutables. [...]. Les philosophes et les connaisseurs d'hommes nous ont dit depuis longtemps que nous avions tort de considérer notre intelligence comme une force indépendante, et de ne pas tenir compte de sa subordination à la vie affective. Notre intellect ne peut travailler efficacement que pour autant qu’il soit soustrait à des influences affectives trop intenses; dans le cas contraire, il se comporte tout simplement comme un instrument au service d’une volonté, et il produit le résultat que celle-ci lui inculque. Les arguments logiques ne peuvent donc rien contre les intérêts affectifs, et c’est pourquoi la lutte à coup de raisons est si stérile dans le monde des intérêts. [...]; mais il semble que, pour le moment, les peuples obéissent plus à la voix de leurs passions qu’à celle de leurs intérêts. Ils ne mettent en avant leurs intérêts que pour rationaliser leurs passions, pour pouvoir justifier la satisfaction qu’ils cherchent à leur accorder.

“Pourquoi les individus ethniques se méprisent-ils en général les uns les autres, se haïssent-ils, s'exècrent-ils? C’est là un mystère dont le sens m'échappe.” Etc. (Sigmund Freud; ‘Considérations actuelles sur la guerre et sur la morte’, 1915.)

En fait, la science et la raison ont toujours été au service des instincts et de l’affectivité des humains, et il n’y a pas de raison de croire que cela va changer à l’avenir. “Une opinion très répandue que, d’ailleurs, partagent certains philosophes contemporains veut que tous les types de comportement servant au bien-être de la communauté soient dictés par une pensée rationnelle, spécifiquement humaine. Non seulement cette opinion est fausse, mais c’est le contraire qui est vrai.” (K. Lorenz, ‘On aggression’, 1966.)

XII

Certainement, l’attitude de Jaurès concernant le Nationalisme, la paix, la violence et l’impérialisme, n’avait rien d’extraordinaire par rapport aux tendances dominantes dans la Deuxième Internationale. En réalité, ceux qui s’opposaient à l’impérialisme et à la guerre impérialiste en général étaient une très petite minorité. Le droit de libre disposition ou autodétermination de tous les Peuples : étant par définition la pierre de base de toute alternative à l’impérialisme, il était nié, traité, adapté ou falsifié de façon à le rendre inoffensif pour soi-même et dangereux pour les autres. La plupart des Etats condamnaient le Nationalisme, l’impérialisme, le militarisme et les guerres des autres, privilégiant en même temps le Nationalisme, l’impérialisme, le militarisme et les guerres que menaient eux-mêmes et leurs alliés actuels ou virtuels. Mais c’est que, étant le cas de leur propre nation, personne ne pouvait même imaginer que cela était, à proprement parler, impérialisme mais “œuvre de liberté, civilisatrice et humanitaire; et défense nationale contre les agressions et les annexions”. Et puis, “si nous ne le faisons pas, d’autres le feront” était l’alibi de tout le monde contre tout le monde. Pas besoin de se dire “socialiste “ pour ça, si ce n’est pour essayer de mieux tromper les Peuples.

Selon Manuel Irujo, “Ce qu’on appelle empire colonial portugais, donc, au lieu d’être un obstacle signifie une grande possibilité pour le futur si, derrière ces territoires, on peut situer une politique de communauté ibérique définie et résolue. Il convient de ne pas oublier, en plus, que les territoires coloniaux lusitains, unis au Portugal, comprennent quatre cinquièmes de la population totale de l’Etat espagnol avec ses colonies et protectorats, et multiplient plusieurs fois l’extension territoriale de son sol et la potentialité de son économie”. “C’est à quoi on ne saurait pas retourner c’est à l’abandon de la jungle à la vie sauvage; et ce que le sens de responsabilité – d’autres motifs de réalité évidente mis à part – nous empêchera en toute éventualité de faire c’est d’amener des colonies les pavillons du Portugal et de l’Espagne pour qu’ils y soient hissés ceux de nations étrangères au domaine ibérique.”

Cette adhésion apologétique au Nationalisme-impérialisme lusitaine-espagnol a été écrite en 1945 par un haut dirigeant exilé du Pnv, ex-ministre de la République espagnole, et édité à Buenos Aires par un éditeur de la même tendance; ce qui montre à quel point les Nationalismes, les Empires et les Ministères sont contagieux, même parmi ceux qui sont censés d’en être les victimes. “Toutes les libertés sont solidaires”, était une maxime que le même auteur répétait souvent. Ainsi va, en règle générale, de la “solidarité” entre les Peuples opprimés à travers le monde. C’est ainsi que le même parti “nationaliste basque” reconnait aujourd’hui comme “légitimes, démocratiques et non-violents” les régimes d’occupation d’Espagne et de la France au Pays Basque. Il y a des pentes où l’on ne s’arrête pas.

L’humaniste-républicain-opportuniste-socialiste Jaurès admirait Ferry, “cet homme remarquable – a-t-il dit – qui depuis trente ans avait brusquement déplacé vers les pays lointains le centre de gravité de la France”, et qui avait pour but rien moins que “d’organiser l’humanité sans dieu et sans roi”. En attendant, à la Commune, il “réussit comme maire de Paris pendant le siège à tirer par escroquerie une fortune de la famine”, notait Marx. Après avoir mis l’Europe entière à feu et à sang “pour la libérer”, en la soumettant, le Nationalisme impérialiste français a bien été obligé de se reporter sur les sauvages et les barbares d’outre-mer. “On se préparait à donner aux autres la place à laquelle nous avions droit.”

De 1879 à 1885, Ferry relançait “l’expansion de la civilisation française”. “Cet homme remarquable” exposait volontiers “les motifs qui doivent pousser une grande nation vers l’impérialisme”:

“La politique coloniale est la fille de la politique industrielle. [...] La fondation d’une colonie c’est la création d’un débouché. Les colonies sont pour les pays riches un placement de capitaux des plus avantageux. La France, qui regorge de capitaux, a intérêt à considérer ce côté de la question. Les colonies ouvrent aux pays français des débouchés illimités. Mais, pour que ce but économique soit atteint, il faut ne pas se contenter de simples installations commerciales. [...] Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder [...]: c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. [...].

“Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation. [...] Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête? [...].

“Si la France voulait rester un grand pays exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient”, elle se devait de “porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes et son génie”. “Aujourd’hui ce sont des continents que l’on annexe, c’est l’immensité que l’on partage.” “Toutes les parcelles du domaine colonial de la France, toutes ces épaves doivent être sacrées pour nous.” “Il est indispensable de fonder la colonisation sur la domination.” (Discours de Jules Ferry à la Chambre des députés en juillet-1885.)

“Cet homme remarquable” avait déclaré donc à la Chambre en 1881: “Nous avons envoyé dans le Sud des forces imposantes, afin de réduire les populations arabes, l’esprit arabe, par la seule démonstration qu’ils comprennent: celle de la force. Nous avons voulu faire voir à ces tribus barbares et insoumises ce que c’est qu’une armée française”. C’est serait trop long de décrire ici comment la démonstration a été faite. “Les Français ont, en quelques années, commis plus de cruautés que les Turcs en deux cents ans”, disait déjà le député Roger à la Chambre en 1834. Dès 1847 Tocqueville rapportait: “Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé; c’est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonné, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaitre”. (Rapport sur le projet de loi relatif aux crédits extraordinaires demandés pour l’Algérie, 1847.)

Exclusion, extermination, remplacement des populations par des colonies de peuplement, pillage et exploitation, déculturation et francisation forcée culturelle et linguistique, c’est ainsi que le Nationalisme impérialiste français a toujours entendu l’œuvre de civilisation. Il fallait “civiliser les arabes par des moyens hors la civilisation”. Comme l’écrivait le colonel Montagnac en 1843, faisant le récit satisfait et l’apologie de ses propres crimes: “faire la guerre aux arabes” cela veut dire, “en un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens”. Selon la déclaration officielle pour l’Algérie en 1858, “Nous sommes en présence d’une nationalité armé et vivace qu’il faut éteindre par l’assimilation”, “la dislocation du peuple arabe et la fusion”. Selon Guérin, “À l’origine [...], les militaires ont songé à ‘refouler au loin, à exterminer la population indigène’. Par la suite, l’entreprise s’est avérée impossible. Mais, faute de pouvoir faire disparaître physiquement l’autochtone, on a voulu le briser spirituellement et moralement”. “On a essayé de tuer l’âme de ce pays. On l’a conquis pour en faire une colonie de peuplement, pour l’annexer à la métropole.”

À cette époque, si la guerre, la répression, la famine et les épidémies décimaient la population, on constatait tout simplement que “les peuples arriérés disparaissaient devant les peuples supérieurs”. Selon Y. Person “Il est significatif que ce soit le même notable de la IIIe République, Jules Ferry (ce qui a donné à l’enseignement laïc qu’il a organisé l’orientation d’un génocide culturel systématique), qui a incarné l’engagement de la France dans l’impérialisme colonial de la fin du XIXe siècle. Au moment où l’impérialisme britannique, avant tout soucieux d’exploitation économique, revenait à un certain respect de la personnalité de l’Autre, la France se vouait résolument à détruire toutes les cultures qu’elle pouvait rencontrer sur un secteur aussi large que possible de la planète”.

Partout au travers du monde, le Nationalisme français portait la violence comme les nuages portent la tempête. La conquête de l’Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de l’Indochine, de Madagascar, du Sénégal, du Niger etc. – par les armées que commandaient Duperré, Bourmont, Savary, Trezel, Bernard, Clauzel, Berthézène, Boyer, Saint-Arnaud, Montagnac, Baraguey, Valée, Bugeaud, Damrémont, Aumale, Joinville, Bedeau, Soult, Pélissier, Randon, Febvrier, Rigault, Page, Dariès, Charner, Lapierre, Protet, Faidherbe, Trochu, Chanzy, Négrier, Bonard, Grandière, Mac-Mahon, Bazaine, Garnier, Rivière, Courbet, Forgemol, Hetzinger, Duchesne, Gallieni, Drude, Amade, Moinier, Lyautey, Mangin, Gouroud, Azan, Noguès, Voulet, Schmartz, Holl, Pétain, Argenlieu et Hautecloque – est la politique de guerre, Terrorisme de masse, et massacres d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions atroces ; de terre brulée avec incendie, destruction et pillage des villages, des récoltes et des cultures. Ce n’étaient pas là des bavures, “accidents rares et regrettables”, c’étaient la logique propre du système Nationaliste-impérialiste français. “Grâce à eux la France a un empire.” “La guerre a ses nécessités.” “Qui veux la fin veut les moyens, quoi qu’en disent nos philanthropes.”

Et pourtant, en 1884 et à Albi (haut lieu, dans l’horrible dossier de “l’expansion de la civilisation française” depuis le 13ème siècle), disait Jaurès: “La France a su se faire aimer de tous les peuples coloniaux”. “Nous pouvons dire à ces populations, sans les tromper, que jamais nous n'avons fait de mal à leurs frères volontairement; que les premiers nous avons étendu aux hommes de couleur la liberté des blancs et aboli l'esclavage; que là encore où la France est établie on l'aime; que là où elle ne fait que passer on la regrette; que partout sa lumière resplendit: elle est bienfaisante.” Apparemment l'humaniste, sociologue et historien Jaurès croyait tout ce qu'il avait envie de croire et ignorait tout ce qu’il voulait ignorer, ou ne reculait devant aucun mensonge.

Encore une fois de plus, le romantisme colonialiste fait partie, très significative, du romantisme nationaliste en général. Mais on ne rend pas compte de l’impérialisme par des images d’Épinal pour enfants et pour adultes, et des récits à l’eau de rose avec soldats, instituteurs, médecins, Pères Blancs et Sœurs Bleues protecteurs, généreux, humains et dévoués. L’impérialisme ce sont des crimes de guerre, des crimes contre la paix, des crimes contre l’humanité: il n’y a pas là le moins du monde matière à idylle. (Finalement, l’entreprise criminelle est révélée par des déclarations tels que les suivantes: “Ils me disent un meurtrier, oui; mais je n’ai fait que mon devoir envers la France. L’ennemi ne peut être vaincu sans recourir à la torture et aux exécutions sommaires. La torture devient légitime lorsque l’urgence est imposée.” [Général Paul Aussaresses, ‘Services spéciaux. Algérie 1955-1957’.])

(On a déjà noté que pour le Racisme et le Nationalisme français ordinaires il ne saurait y avoir, chez les colonisés, ni Peuple, ni Nation ni Etat, tout au plus des “populations”, des “peuplades” ou des “tribus”, comme disait Jaurès. Dans l'idéologie impérialiste le concept de “tribu” atteint une extension insoupçonnée: dès conflits coloniaux en Afrique jusqu’à l'éclatement de la Yougoslavie).

Ces guerres n’étaient même pas des guerres mais de mesures de rétablissement de l’ordre et de pacification. Il est vrai que, comme le disait encore Lénine, “trop souvent elles ressemblent moins à des guerres qu’à un sauvage massacre, à une extermination de peuples désarmés”. “Voici le genre de guerre que l’on menait contre eux: ils étaient désarmés, et on les exterminait à la mitrailleuse. Sont-ce là des guerres? Mais non, ce ne sont même pas des guerres, à proprement parler.”

Le soldat était accompagné par le bureaucrate, l’instituteur, le capitaliste, le concessionnaire, les gros et petit colons: républicains, cléricaux et anticléricaux, ouvriers quarenthuitards, communards [from the Paris Commune] and Alsatians who in 1871 were fleeing from their annexation by Prussia et se retrouvaient en Afrique, Espagnols, Italiens, Maltais et Juifs fuyant la misère ou les persécutions, tous devenus français, unis pour l’exclusion, la spoliation, l’exploitation ou l’élimination des “races inférieures”: “Il est difficile de faire entendre au colon européen qu’il existe d’autres droits que les siens en pays arabe (sic), et que l’indigène n’est pas une race taillable et corvéable à merci”, disait Ferry lui-même qui, apparemment, n’y était pour rien.

Tous étaient accompagnés et souvent précédés par le missionnaire et l’ecclésiastique, “envoyés en éclaireurs par les marchands et les banquiers”, protégés et subventionnés par les gouvernements pour “une mission religieuse qui ouvrirait la voie à notre influence politique”. (Un illustre écrivain basque, Basagaitz – Lhande – y est allé de son panégyrique sur Notre épopée missionnaire: Madagascar, 1832-1932’, qui précède de sept ans l’apologie bien plus problématique de A. Perbal: ‘Les missionnaires français et le nationalisme.)

Comme partout (et on est ici, chez les Basques, aux premières loges pour le savoir), l’Eglise a fait partie essentielle de l’appareil de conquête et oppression. “C’est une véritable croisade que nous faisons ici”, disait “le sinistre” Charles Mangin. Le “cas” de Douarre, celui du missionnaire-indicateur Foucault et ses “renseignements” au 2e Bureau, ou les démêlés de Lavigerie avec les “bureaux arabes” et Mac-Mahon, n’y changent évidemment rien: militaires, civils et ecclésiastiques, malgré leur discordances, faisaient partie de la même structure de domination nationaliste-impérialiste et, malgré les querelles qui en 1906 ont abouti à la séparation entre eux, ils n’ont jamais interrompu leur collaboration.

Tout comme dans le mésopotamien monument de sa ville natale, “dans maintes localités la statue du Cardinal Lavigerie gesticule dans son socle”, écrivait Guérin en 1953. Ici comme ailleurs, “la ‘conquête spirituelle’ ne fut absolument pas une entreprise distincte, parallèle, de la conquête militaire et de la colonisation matérielle”; “fut au contraire si étroitement liée au processus général de colonisation qu’elle n’en fut en fin de compte qu’un aspect ou qu’un moyen”. L’impérialisme “moderne” a été, et continue d'être, “le lieu de rencontre du capitalisme, du militarisme et du cléricalisme”.

On chercherait en vain des signes de mauvaise conscience. Ni les Etats conquérants, ni l’Eglise, n’ont jamais avoué, regretté ou essayé de réparer leurs crimes. Tout comme au Royaume de Navarre et ailleurs, ils voudraient et ils espèrent que tout ça est oublié, que le temps, la terreur et les massacres ont extirpé la mémoire historique de la conscience collective, et qu’ils pourront continuer, comme par le passé, à fouler aux pieds la liberté des Peuples.

XIII

À partir de 1903, quand même, Jaurès commence à déchanter. Les choses ne se passent pas comme il espérait, la note est même de plus en plus salée. “La France succombe sous un empire colonial disproportionné à sa force d’expansion.” “Il y a en ce moment tout un parti militaire et colonial qui rêve de mettre la main sur le Maroc par une grande expédition. La France doit envoyer une sur le territoire marocain et y établir par la force son protectorat. Politique insensée et vraiment criminelle.” Ce que se préparait n’était pas, en effet, un secret pour personne: “Etablissons ensemble un vaste domaine d’un seul tenant qui, du golfe de Gabès à l’Atlantique, de la Méditerranée au grand désert, englobera la Tunisie, l’Algérie et le Maroc dans un vaste empire de l’Afrique du Nord!”, s’exclamait Etienne, député d’Oran, membre éminent du lobby, de la classe politique et du gouvernement français.

Pourtant Jaurès s’accrochait à ses espoirs. On a vu qu'il avait voté les crédits militaires pour le Tonkin en 1885 et s’était fortement congratulé en 1887 (au moment de l’affaire Schnæbelé) des crédits militaires obtenus “dans le silence patriotique des parlementaires”. Il demande maintenant “le budget de la pénétration pacifique” au Maroc. “Oui, il est à désirer, dans l’intérêt des indigènes du Maroc comme dans l’intérêt de la France, que l’action économique et morale de notre pays s’y prolonge et s’y établisse.” “Si vous êtes condamnés à une expédition militaire au Maroc, c’est par centaines de millions que se chiffrerait certainement la dépense. Si pour la pénétration pacifique de la France au Maroc; si pour donner à la République française le moyen de nouer avec les tribus des relations utiles; si pour permettre à la France, lorsque les tribus pâtissent de la faim, de mettre à leur disposition de grains; si pour permettre à la France, avec le consentement des tribus, de multiplier les écoles et les infirmeries il faut des sacrifices d’argent, ils seront infiniment moins coûteux que ceux qu’entrainerait la guerre.” “Si nous avons toujours combattu la politique d’expansion coloniale guerrière, la politique d’expéditions armées et de protectorats violents, nous avons toujours secondé et nous sommes toujours prêts à seconder l’expansion pacifique et raisonnable des intérêts français et de la civilisation française.”

“Expansion pacifique et raisonnable”. Si l’on croit son biographe Auclair, “Ces derniers mots: chers à l’universitaire, cachaient au socialiste la loi de la jungle”. “Au début de l’aventure marocaine il ne se montrera pas hostile à l’entreprise, il se contentera, ingénument, de la vouloir pacifique.” “Il lui arrivait encore d’espérer que de bonnes paroles, un système de garanties internationales (...) en trois points (...), un échange constant de documents sérieux, seraient capables de transformer les colons en apôtres, et les banquiers en philanthropes.” Et – c’est Reberioux qui l’a écrit – “Il pense comme tant d’autres, jusqu’à la fin de sa vie, que l’expansion coloniale aurait pu être pacifique et que les secteurs les plus puissants du grand capital international peuvent œuvrer au maintien de la paix”.

Or, “la science et le socialisme” ont couvert toujours le Nationalisme impérialiste français. Car c’est indéniable que – en tant que catégorie historique, et non délire métaphysique – le colonialisme se constitue par la guerre, le pillage, l’exploitation, l’asservissement et la destruction des peuples. Le colonialisme pacifique et humain est une contradiction dans les termes. Le “bon colonialisme” à la place du “mauvais”, le “colonialisme” pacifique et raisonnable, économique et moral, dans l’intérêt harmonique ou harmonisé du colonisateur et du colonisé, où civilisation française et civilisation tout court s’identifient, cela n’a jamais existé. Même en idée, il traduit l’arrogance, le racisme et la prétendue supériorité des “grandes” nations colonisatrices. Il est aussi et surtout la couverture, l’alibi “humanitaire”, l’hypothèse idéologique auxiliaire du nationalisme impérialiste réel. Qu’elle soit chrétienne, franc-maçonne, fasciste, socialo-communiste, de “gauche” ou de droite, la peste nationaliste-impérialiste reste toujours la peste.

En connaisseur de l’histoire de France et historien de la Révolution française, en fervent admirateur de Ferry, Jaurès savait bien par quels moyens avait été obtenue “l’expansion pacifique et raisonnable des intérêts français et de la civilisation française”, et comment il avait été fondé et conservé l’empire français des cinq continents. (Lénine écrivait que l’occupation française était la plus dure et cruelle de toutes les occupations; dans un domaine où, pourtant, la concurrence a toujours été rude.) Tout ça, comme le prétend Jaurès, pour permettre pacifiquement “la distribution de grains, la multiplication des écoles et des infirmeries, et les sacrifices d’argent avec le consentement des tribus”. Et pourtant il a fallu le contraindre: fait inouï qui témoigne de sa perversité.

Le colonisé – c’est bien connu – est sauvage, barbare, enfantin, dépourvu de raison, plat, borné, attardé, sale, paresseux, voleur, ivrogne, lâche, sournois, faux, menteur dissimulé, hypocrite, insaisissable, dangereux, pillard, traître, intolérant, fanatique, cruel, sanguinaire. Point par point, on le voit tout le contraire du français, dont on explicite les qualités par simple retournement des termes. Aussi fallait-il que le colonisé soit bête et méchant pour refuser de tels bienfaits, au point d’en vouloir á ses bienfaiteurs. Dumas avait fait sa part, renforçant ainsi pour la consommation populaire cette vision déformée : “Jamais Morrel n'avait vu semblable expression ; jamais œil si terrible n'avait flamboyé devant son visage, jamais le génie de la terreur, qu'il avait vu tant de fois apparaître, soit sur les champs de bataille soit dans les nuits homicides de l'Algérie, n'avait secoué autour de lui de feux plus sinistres. Il recula épouvanté.” (A. Dumas; ‘Le Comte de Monte-Cristo’, 1844.)

Il en a fallu des armées et des guerres pour ramener la paix dans les territoires occupés par les armées et la guerre. Il a fallu en distribuer des grains pour compenser l’incendie des silos et des cultures, les razzias et la colonisation des terres. Il en a fallu des infirmeries pour soigner les survivants des massacres et des bombardements. Il en a fallu des écoles pour parvenir à la scolarisation en français du 10% des enfants musulmans.

Mais, puisque ces races et cultures ne valaient rien, les liquider au plus vite c’était la seule chose à faire. Jeanson a ainsi décrit les thèses coloniales:

“Les arabes sont de grands enfants, avec des tas de défauts; il faut faire leur bonheur malgré eux et c’est d’ailleurs ce que nous faisons depuis toujours. Mais la France ne comprend rien aux réalités d’ici. Elle ne voit pas que ses concessions démagogiques font peser sur nous la terrible menace d’un soulèvement.” “La seule politique possible est une politique de fermeté, de reprise en main. Il faut d’abord rétablir l’ordre.” “Tout compte fait il n’y a pas de problème arabe en Algérie, du moins pas au sens où l’ont prétendu certains démagogues: l’Arabe est évidemment un être inférieur, mais qui sait très bien reconnaître son infériorité pourvu que l’on ne commette pas d’erreurs et qu’on sache se montrer suffisamment ferme avec lui. Car, bien sûr, il est prompt à saisir les occasions, et certaines indulgences sont pour lui des faiblesses au travers desquelles on a vite fait de perdre tout prestige à ses yeux. Au fond c’est un enfant, et il suffit que vous vous en soyez une fois convaincu: dans son intérêt comme dans le vôtre. Seulement n’allez pas vous y tromper: c’est un enfant qui ne grandira pas (et qui, d’ailleurs, ne demande pas à grandir). Comme la plupart des enfants, vous devez donc vous attendre à ce qu’il soit volontiers sournois, dissimulé, parfois insaisissable: Il n’y a là, au surplus, rien qui doive vous étonner, c’est le propre même du caractère oriental. Quant aux femmes – çà il faut bien l’avouer – toutes les Mauresques sont des voleuses. Et sur ce plan, en tout cas, vous pouvez être sûr que vous ne gagnerez rien à leur faire confiance...” (Or, ceux ou celles qui refusent les “dons d’argent” tiennent par contre à le “voler” dans les poches des “honnêtes colons” français. Jaurès aurait pu en tirer des significations et des conclusions.)

Pour les colonies d’outre-mer il était urgent de répandre un “basic-french”, suffisant pour “ces peuples qui sont des enfants”, disait l’humaniste Jaurès en 1884 à l’occasion de sa conférence d’Albi. Après tout, l’Arabe ou le Swahili n’étaient rien d’autre que les “patois” des colonies africaines, tout comme “l’enfantin euskera” dont parlait le charlatan espagnol Unamuno.

Mais “que faire avec des gens qui préfèrent la liberté au pain?” s'exclamaient – encore cinquante ans plus tard – des pédagogues coloniaux déçus, amers et décontenancés devant “l’inexplicable résistance” de ces gens-là aux bienfaits de la colonisation française. C’est l’hommage involontaire que le colonialisme rend aux colonisés. Parce que, partout dans le monde, malgré l’écrasante supériorité – en armes et matériel – du Nationalisme-impérialisme-colonialisme, malgré la férocité de la répression, malgré les révoltes noyées dans le sang, les “Peuples barbares et les races inférieures” ne se sont jamais soumises, n’ont jamais cessé de lutter pour leur liberté. Ils ont fait l’honneur du genre humain; ils ont prouvé que, si on peut dominer, asservir ou exterminer un Peuple par la violence, on ne peut pas en espérer ni adhésion ni consentement volontaires, on ne peut pas lui enlever le sens de sa dignité, de son identité, ni son attachement farouche à sa liberté. Ces “Peuples inférieurs” ont souvent arraché à l’impérialisme leur droit de libre disposition, c’est à dire l’indépendance. Lutte longue et pénible toujours; parce que si Suédois ou Anglais peuvent – par sagesse ou par calcul – “abandonner” des territoires qu’ils ont obtenu et gardé par la violence, mais qui dépassent leur capacité de gestion, d’ingestion et de digestion, Français et Espagnols ne le peuvent pas avant d’atteindre la limite extrême de violence dont ils sont capables.

En 1908 Jaurès commençait à comprendre. “Il a refusé de voter les crédits supplémentaires demandés pour les opérations militaires”. Lui, qui avait cru à une “mission civilisatrice”, il fit à la tribune “son examen de conscience et celui du pays, suivi de son mea culpa”, a écrit Auclair. Jaurès déclarait à la Chambre: “A mesure que notre intervention au Maroc est plus étendue, plus dure et plus brutale, je me demande, avec une angoisse croissante et sincère, de quel droit nous portons la guerre, le fer et le feu au cœur du Maroc. Je sais bien que des incidents douloureux et déplorables se sont produits qui ont engagé cette intervention; mais je me demande si nous n’avons pas une part de responsabilité dans l’état d’esprit qui a rendu ces incidents possibles.”

Pendant qu’il “se demande”, la guerre continue. Et quand il finit de se demander, aussi. “Notre diplomatie a éveillé dans l’esprit des Marocains cette impression que nous voulions attenter à leur indépendance.” Ils étaient vraiment impressionnables, méfiants, suspicieux et susceptibles, ces Marocains! Tel qu’il le semblait à Jaurès, par contre, il ne devrait y avoir aucune raison d’inquiétude pour le Maroc ou la Tunisie. Le “protectorat” d’une nation comme la France : dont tous les antécédents parlaient d’eux-mêmes, offrait – semble-t-il – toutes garanties voulues en la matière, des deux côtés de l’Algérie conquise, annexé et pacifié. Pourtant – on l’a vu – cinq ans auparavant Jaurès avait déjà dénoncé le “parti militaire et colonial” et la “politique insensé et vraiment criminelle” qui visait à “envoyer une armée sur le territoire marocain et y établir par la force le protectorat” de la France. De quoi inquiéter les plus confiants ou les plus abrutis des Marocains! (Jaurès s’inquiétait bien, pourtant, de la “menace américaine” sur l’empire français et même espagnol, et de “l’impérialisme agressif dont témoignent Anglais et Allemands”.)

Et il continuait à dire : “Les concessionnaires du port de Casablanca n’ont eu aucun égard aux plus justes susceptibilités des Marocains.” Bien sûr, le bombardement de Casablanca n’a sans doute pas rassuré ces populations que la diplomatie française impressionnait et les concessionnaires froissaient. Et il a été suivi du carnage de la Chaouia: “Tout a été massacré, même les femmes et les enfants. C’était une leçon nécessaire”, écrivait un contemporain. Dans ce moment Jaurès “doute de l’exactitude” des nouveaux crimes dont le récit lui parvient. Quand le doute n’était plus possible, il était indigné. Mais les impressionnables, les suspicieux et les susceptibles Marocains, eux, étaient déjà morts.

Peu à peu Jaurès devient plus lucide: “Tous les aventuriers qui ont abusé de la faiblesse et de la sottise du sultan Abd el Aziz pour le pousser aux dépenses les plus folles et aux emprunts les plus onéreux; tous les banquiers de proie qui ont exploité par des prêts usuraires un pays livré par un fantoche à des forbans; les capitalistes impatients qui se faisaient donner concessions sur concessions et qui poussaient leurs entreprises sans aucun égard aux droits, aux habitudes, aux sentiments de tout un Peuple; l’association Krupp-Schneider (le coup ‘amical’ de l’obus allemand et de l’obus français) défonçant un cimetière musulman pour exploiter une carrière; puis – sous prétexte de châtier les premières violences et les représailles d’un Peuple marocain exaspéré – l’odieux bombardement de Casablanca, la mise à feu et à sang de la Chaouia, plus de quinze cents cadavres de femmes et d’enfants entassés, en un jour de honte et de deuil, sous les débris d’un douar inoffensif: voilà sous quelle figure depuis des années l’Europe est apparue aux Marocains”. “Si on était là en présence de combattants, comment se fait-il qu’il fallut épargner des femmes et des enfants? Et s’il y avait là des femmes et des enfants, c’est que ce n’était pas là un camp de guerre!” C’est ainsi qu’on laisse dans les populations “des souvenirs abhorrés, de souvenirs de sang, des souvenirs de violence”. La France ne sait pas “quelles semences de colère, de douleur et de haine sème là-bas, et quelle triste moisson lèvera un jour”.

En 1911 – l’occupation militaire étant déjà lancée au Maroc – le Gouvernement français et les services de propagande du corps expéditionnaire essayaient encore de tromper le Peuple marocain et même les grandes Puissances. “Il ne s’agit pas d’une occupation mais d’un secours provisoire et urgent.” Mais Jaurès n'est pas dupe: “Les généraux et les financiers sont en liesse. Des colonnes de soldats français plus ou moins déguisés en marocains vont marcher sur Fez. Si l’Espagne réclame on lui fera sa part. Si l’Allemagne demande des compensations on les lui accordera. Si les marocains se soulèvent on les fusillera et on appellera à la rescousse les troupes noires qu’on couvrira de louanges, qu’on illuminera de gloire, et qu’on préparera ainsi à intervenir dans les affaires françaises le jour où il faudra mâter le peuple souffrant. Voilà le plan où colonialisme et réaction, piraterie et répression se combinent”.

“Est-ce de Fez que nous allons donner à l’Europe et au monde, dans la nouvelle crise qui peut menacer la paix, des leçons de sagesse, de désintéressement et de respect du droit international hypocritement et cyniquement violé par nous?” “Je dis que parmi tous ces peuples longtemps opprimés ou endormis, ou séparés de l’Europe par des océans d’indifférence; je dis que partout il y a des forces morales neuves qui s’éveillent, un appétit de liberté, un appétit d’indépendance, le sens du droit, qui pour s’affirmer nous emprunte quelquefois nos propres formules.” “Il venait de loin”, commente Ribérioux.

XIV

On trouve sous la plume et dans les discours de Jaurès la perception de plus en plus aiguë du capitalisme nationaliste qui se développe et de la catastrophe qui s’approche. Cependant, sa croissante lucidité ( ?) ne pouvait pas s’appliquer aux mythes et aux dogmes du Nationalisme impérialiste Français, qui a fanatiquement établi a priori le fondement “naturel, démocratique, pacifique et non violent”, et le caractère “humaniste et civilisant” de l’Empire Français. (La position du National-socialisme espagnol à l’égard de son propre Empire n’a pas été laissée pour compte dans cette même tâche de falsification.)

Il a tout naturellement compris cet Empire, sans aucun doute, comme la nation et civilisation françaises: agents universels du progrès et du bonheur. Pour quelqu’un qui comme lui est plongé dans le délire social-chauvin, le Nationalisme impérialiste de son (adopté) pays contre les Peuples et les États annexés et par annexer est aussi impalpable que l’eau est pour le poisson: leurs crimes constitutifs sont invisibles pour lui, et leurs dysfonctionnements sont, tout au plus, des phénomènes naturels défavorables qui se produisent fatalement. (Ce domaine de la météorologie était appelé à donner un grand jeu, comme nous le verrons.) C’est précisément ce Nationalisme fanatique et totalitaire: non reconnu par lui-même, qui l’a finalement détruit. Voyons quelques-uns de ces moments où il exprime sa perception de la catastrophe à venir.

En 1895 Jaurès écrit : “L’industrie elle-même est un combat; la guerre devient la première, la plus excitée, la plus fiévreuse des industries”. “Toujours votre société violente et chaotique : même quand elle veut la paix, même quand elle est en état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage! ”

L’ile de Cuba: “terre espagnole” selon Jaurès, c’est un premier sujet d’inquiétude en 1898. La “pacification dans le cadre de la Constitution et du Statut d’autonomie” de la Restauration, avait abouti à l’échec et au limogeage du général Martínez Campos. C’était le tour du sanguinaire général Weyler, qui allait établir son bien mérité prestige par ses crimes en Cuba et après en Catalogne. Il était chargé de rétablir “l’unité nationale” sur l’île, et il remplit sa mission de la seule manière que Français et Espagnols connaissent pour combattre la liberté et la résistance des Peuples.

Au vu des Nationalistes et impérialistes-colonialistes européens : y compris ceux qui se sont appelés “socialistes”, les atrocités des forces armées espagnoles, leur politique de terreur, massacres et terre brulée, les camps de concentration – dont les horreurs scandalisaient encore les libéraux anglo-saxons – “servaient de prétexte” aux convoitises américaines ; prétextes facile à vider en ne les commettant pas. Selon ces agents idéologiques, de telles atrocités étaient d’autant plus “compréhensibles et excusables” que ces forces militaires “étaient chez-elles, en terre espagnole”, et qu’elles opéraient sur “des populations également espagnoles”. Pour la propagande et l'opinion françaises, les “insurgés” cubains et philippins “aspiraient à la dictature”. Ils étaient “à peine mieux qu’une bande d’assassins”. Ce qui ne les empêchait pas d’infliger des pertes terribles à l’économie et aux armées régulières espagnoles.

Au même moment où toute “la gauche des grandes nations civilisées”, y compris les National-socialistes de la Deuxième Internationale, ignoraient, niaient, faussaient ou détournaient – en fait et en paroles – le droit de libre disposition des Peuples, et considéraient qu’il était une folie de penser que ces “territoires” coloniaux pourraient un jour être des États indépendants gouvernés par eux-mêmes, Sabino Arana-Goiri félicitait le Président T. Roosevelt pour l’aide prêtée aux “rebelles” cubains pour qu’ils deviennent indépendants d’Espagne, proclamait le droit de tous les Peuples du monde à l’indépendance, et se retrouvait en prison par la même occasion.

La “menace américaine” servait d’alibi à l’impérialisme européen, qui depuis des siècles n’était point “une aspiration ou une menace” mais une réalité d’oppression, d’exploitation, d’esclavage et de destruction des Peuples partout de par le monde. Inévitablement, les impérialismes anciens ou nouveaux mettaient en danger l’Empire français. Sous leur poussée, l’impérialisme aux abois devenait défense du statu quo et “défense nationale contre les annexions”, c’est-à-dire : défense de l’Empire et des annexions anciennes, contre l’Empire et les annexions nouvelles, celles des autres. Ceci imposait et annonçait, déjà, l’alliance espagnole: “Quel pays brulé! Quelle sécheresse tragique! Des grandes plaines nues, presque sans arbres, avec des blés maigres et rares”. “Il y a dans cette pauvreté quelque chose de pittoresque et de farouche”, écrivait Jaurès en 1911. Le ton, les lieux communs et les banalités équivoques ne trompent pas: le Nationalisme impérialiste espagnol n’était pas à craindre. Voilà au moins une frontière bien assurée. Voilà, en plus, un allié “naturel” face au nouveau danger planétaire.

Voici son exposition de cette réalité: “Par l’annexion des iles Hawaï, par la mainmise directe ou indirecte sur les Philippines et Cuba, les Etats Unis développent leur puissance capitaliste et affirment leur puissance militaire.” “Par leurs rapports avec Cuba, terre espagnole, les voilà en communication et peut-être en conflit avec toute l’Amérique du Sud. Et comme en même temps l’annexion des îles Hawaï mécontente et inquiète le Japon, les Etats-Unis vont être obligés de consolider en une organisation militaire permanente les belles forces d’attaque qu’ils ont soudain mobilisées. Là comme partout, le capitalisme, nécessairement agressif et combatif, conduit au militarisme.” “La richesse et la puissance des Etats-Unis sont un quart de la richesse et de la puissance du monde.” “Les luttes entre nations prennent les proportions de luttes entre continents.” “C’est le feu interne du capitalisme qui soulève et heurte les continents.” “Pour la première fois il y aura une guerre universelle mettant aux prises tous les continents. L’expansion capitaliste a élargi le champ de bataille: c’est toute la planète que se disputent maintenant les capitaux, c’est toute la planète qui sera rougi du sang des hommes!”

“Mais la phrase de Jaurès, indéfiniment répétée, ‘le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage’, ne tient pas lieu de preuve”, selon Aron. Mais Espilondo n’est pas d’accord avec Jaurès. Parce que si Jaurès a raison, par là même Espilondo – qui se dit non-anticapitaliste – n’est pas contre mais pour la guerre, ce qu’il confirme par ailleurs. Il est seulement contre la guerre qui font les autres. C’est bien le point de vue de Hitler, nous devons être méfiants.

En ce qui concerne la France, Jaurès ne remarque rien d’autre que “la douloureuse mutilation de la France” qui était l’Alsace-Lorraine; l’Empire français, bien entendu, n’ayant jamais mutilé quoi que ce soit.

En 1900 Jaurès constate “l’impérialisme agressif dont témoignent Anglais et Allemands”. “Une nervosité aigue semble gagner l’Angleterre.” Les peuples européens sont “livrés aux pires suggestions de la convoitise et de la haine”. “En Allemagne, l’empereur semble perdre son sang-froid. Les sauvages conseils d’extermination qu’il a donnés à ses troupes partant pour la Chine attestent que la conscience européenne peut subir des fréquentes éclipses et participer à la barbarie qu’elle prétend châtier.” “En France, le nationalisme essaie d’assourdir et de stupéfier au profit de la réaction le cerveau populaire. Il a déjà accompli dans ce sens un tour de force. Il y a vingt ans il ameutait contre l’Allemagne les passions de la rue et le patriotisme tapageur. Rendez-vous était donné à la gare de l’Est pour siffler le roi d’Espagne qui revenait d’Allemagne, il était impossible de jouer Lohengrin.” “Maintenant, en un tour de passe-passe qui atteste la docilité des haines chauvines, c’est l’Angleterre qui a été substituée à l’Allemagne par le nationalisme fanfaron. Demain, que l’empereur d’Allemagne esquisse un geste de menace contre les Anglais, il sera acclamé par nos compatriotes et l’alliance franco-allemande serait prodigieusement populaire si elle était tournée contre l’Angleterre. Tant que ce vent nationaliste soufflera sur le monde, le prolétariat international sera arrêté dans sa marche ; et une partie même de la classe ouvrière, entraînée à la dérive, fera le jeu de l’ennemi.” “Il faut se demander si l’impérialisme même contient en soi un germe de guerre.” (?) “L'expédition de Chine semble rouvrir l'ère des luttes épiques de continent à continent. Rien ne démontre que l’Europe aura seulement affaire à la Chine, c’est peut-être l’Asie toute entière qui, un jour, s’ébranlera.”

Cependant, et après les expériences déjà fournies par l’Ancien Régime français et la Révolution, ses actions ultérieures : de l’Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la République, de nouveau l’Empire, et à nouveau la République, qui avait débutée avec la sauvage répression de la Commune, avaient largement donné des exemples récents des “sauvages exterminations” que reprochait Jaurès aux Allemands en 1900. Apparemment, Jaurès n’a pas vu ce qu’il ne voulait pas voir.

Bien différemment, le socialiste allemand August Bebel, s’exprimant également en 1900, n’a pas échappé à ses propres critiques ni ne s’est permis d’utiliser les astuces avec lesquelles Jaurès a atténué la réalité, au moyen de petites phrases sur “l’ère des luttes épiques de continent à continent”, ou sur “les fréquentes éclipses de conscience européenne pour leur participation à la barbarie qu’elle prétend châtier”. Pour cet auteur, il n’y avait pas d’épopée dans ces performances, mais seulement la barbarie, et c’était principalement allemand et européen, comme il l’a dit en parlant au Reichstag: “Non, ce n’est pas une Croisade, pas d’une guerre sainte; c’est une guerre de conquête très ordinaire... C’est une campagne de vengeance aussi barbare qu’on ne l’a jamais vue au cours des derniers siècles, et pas souvent dans l’Histoire... pas même avec les Huns, pas même avec les Vandales... Il n’y a pas d’équivalent à ce que les troupes allemandes et d’autres Puissances étrangères, ainsi que les troupes japonaises, ont fait en Chine.” (Vid. Mombauer, Annika: ‘Wilhelm II, Waldersee, and the Boxer Rebellion’, dans ‘The Kaiser’. Cambridge University Press, 2003.)

En 1903 Jaurès a déclaré  : “Dans l’état présent du monde ce n’est pas la guerre qui peut être une solution. Le jour où un pacte décisif de paix sera conclu entre les peuples européens, le jour où ils se seront donné à eux-mêmes par le désarmement simultané – vous m’entendez bien – un gage de sécurité réciproque, ce jour-là tous les groupes humains, de la Finlande à l’Irlande, de la Pologne à l’Alsace, auront plus de force pour revendiquer leurs droits et pour retrouver le libre jeu de leurs affinités historiques et morales. Ils ne se heurterons plus à la domination de castes militaires ou des aristocraties oppressives, ils ne se heurteront plus à la surveillance jalouse des nations qui les ont incorporés violemment.”

Une fois de plus, l’Empire français ne semble pas être visé par les affirmations de Jaurès. Et il est également évident dans ces mots que les “droits de tous les groupes humains” dont parlait Jaurès étaient limités à quelques-uns et, en tout état de cause, conditionnés par la paix entre les Etats, dans le maintien du statu quo. Ce qui rendait le “socialisme” de Jaurès très marqué à droite : tout d’abord par rapport au “pacifisme bourgeois” de Wilson, pour qui le droit d’autodétermination des Peuples était le fondement de la paix mondiale. Et, bien entendu, au bolchevisme de Lénine, pour qui la paix pouvait seulement être conséquence de la liberté des nations et de la révolution socialiste, la lutte contre l’impérialisme devant commencer par la lutte contre l’impérialisme de son propre pays.

En 1905 Jaurès s’échauffe : “Si les allemands veulent se battre on se battra!”. En 1909 il écrivait: “C’est le conflit tantôt sourd, tantôt aigu, toujours profond et redoutable, de l’Allemagne et de l’Angleterre”. “C’est ce conflit qui pèse sur nous, c’est lui qui suscite ou qui aggrave tous les autres conflits.” “Pendant que l’Allemagne et l’Angleterre se contrecarrent publiquement et sournoisement à travers le monde, voici que les Etats-Unis grandissent et que leur ambition mondiale s’éveille.” En 1910: “L’Allemagne, avec sa natalité formidable, peut, avec ses seuls corps actifs, nous submerger et nous envelopper”. En 1911: “Ah, ils la veulent, cette guerre!”. Lors de son voyage en Amérique, Jaurès a noté que les passagers “se demandèrent si un cyclone allait s’abattre”.

Et en 1914 : “Nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes, à l’heure actuelle, des chances terribles, et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter”. “Si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit.” “La France, qui depuis plus de 40 ans a subordonné aux intérêts suprêmes de la paix sa revendication sur l’Alsace-Lorraine, ne peut pas se laisser entraîner dans un conflit dont la Serbie serait l’enjeu.” Pour la monarchie austro-hongroise “Il n’y a qu’une méthode efficace et sage: c’est de pratiquer envers les éléments bosniaques et croates une politique équitable. Si les Serbes-croates veulent se séparer de l’Autriche-Hongrie pour se rattacher à la Serbie, ils détermineront un conflit formidable où ils n’auront quelque chance de succès que par le concours de la Russie. Et celle-ci le ferait payer cher. Toute la Grande-Serbie serait la vassale du tsarisme”. “Si l’Europe entière ne comprend pas que la force vraie des Etats n’est plus maintenant dans l’orgueil de la conquête et dans la brutalité de l’oppression, mais dans le respect des libertés et dans le souci de la justice et de la paix, l’Orient de l’Europe restera un abattoir où le sang du bétail se mêlera au sang des bouchers.” “Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.”

Comme on l’a vu, Jaurès situait “l’agresseur” – “l’impérialisme agressif” – un peu partout et surtout du côté de la race germanique, avec la race slave pour alternative. “Nous, socialistes français, notre devoir est simple. Nous n’avons pas à imposer à notre gouvernement une politique de paix: il la pratique. Moi, qui n’ai jamais hésité à attirer sur ma tête la haine des chauvins, par ma volonté obstinée et qui ne faillira jamais du rapprochement franco-allemand, j’ai le droit de dire qu’à l’heure actuelle le gouvernement français veut la paix et travaille au maintien de la paix.” Ce point de vue était partagé par Léon Jouhaux, dont les déclarations à l’occasion des obsèques de Jaurès n’ont pas été sans conséquences, à la veille de la guerre.

E. Dolléans a écrit : “Depuis le début du siècle, la paix court de grands risques.” “Pendant les années 1911, 1912 et 1913 les hommes sentent passer sur leurs têtes l’ombre immense du cyclone qui approche et dont ils ne mesurent ni l’étendue ni la durée”. Des théoriciens de gauche et même de droite avaient souligné le “développement inégal” du capitalisme mondial, qui faisait de la guerre – impérialiste des deux côtés – la seule issue possible, nécessaire et même salutaire et souhaitable dont l’affrontement des grandes puissances était capable. L’affaire Schnæbelé, la guerre hispano-américaine, les crises de Fachoda, de Tanger et d’Agadir, les guerres balkaniques avaient prévenu les plus optimistes. Delaisi et Merrheim prévoyaient “la guerre qui vient” et se préoccupaient “des menaces de guerre qui noircissent l’horizon”. Les Congrès syndicaux d’Amiens, de Marseille et de Toulouse avaient prévu et annoncé la guerre, et préparé la riposte des syndicats. En 1911 une conférence syndicale extraordinaire avait décidé: “Le cas échéant, la déclaration de guerre doit être pour chaque travailleur le mot d’ordre pour la cessation immédiate du travail”. “A toute déclaration de guerre les travailleurs doivent sans délai répondre par la grève générale révolutionnaire.” On ne saurait être plus clair.

Mais, pourtant, en 1914 la grève générale : qui préconisaient les partis et les syndicats de travailleurs encore quelques jours avant la grande boucherie, n’a jamais été convoquée ou appliquée devant la mobilisation. “La préparation de la guerre par le gouvernement était beaucoup mieux menée que l’action contre la menace de guerre par la direction confédérale, et il la gagnait de vitesse”, écrivait Rossmer. Une résolution syndicale de 1915 affirmait que la guerre “n’est que le résultat du choc de tous les impérialismes nationaux qui ont intoxiqué tous les États grands et petits”. Liebknecht déclarait en 1915: “La guerre actuelle est une guerre impérialiste mondiale dont on prévoyait depuis longtemps la venue”. Bebel et Liebknecht avaient honnêtement prévenu que, si la guerre était déclarée, “la classe ouvrière allemande suivrait comme un seul homme”.

“En présence du raz de marée qui les emportait, comment parler de la responsabilité des masses syndicales?” “Devant la fatalité, une immense résignation”, note Dolléans. “Les émotions nationales et guerrières agissent plus profondément sur l’esprit humain que les émotions internationales et révolutionnaires”; “La haine dirige et conduit aveuglément les Peuples vers leur extermination”, disait Halévy. “Nous avons été impuissants les uns et les autres; la vague a passé, nous a emportés”, expliquait Monatte. Et Alphonse Merrheim: “Nous étions complètement désemparés, affolés.” “A ce moment-là la classe ouvrière, soulevée par une formidable vague de nationalisme, n’aurait pas laissé aux agents de la force publique le soin de nous fusiller, elle nous aurait fusillé elle-même”. Jaurès l’avait prévu: “S’il y a la guerre, on nous tuera d’abord; on le regrettera peut-être après mais il sera trop tard!” “Il faut nous attendre à être assassinés aux coins de rue.” Lorsqu’il déclarait son intention de “continuer notre campagne contre la guerre” au sous-secrétaire d’Etat Ferry, celui-ci le prévenait: “C’est ce que vous n’oserez pas, car vous seriez tué au prochain coin de rue”. Le soir même c’était fait.

Des militants, dans “l’angoisse légitime”, “découvrent brusquement l’inanité des méthodes d’action directe auxquelles jusque-là ils avaient cru”. Les “confédéraux de Jouhaux, comme la Deuxième internationale de Vandervelde, ont mis leur organisations en otage”: la conservation de l’organe (de son bureaucratie) prenant le pas sur une fonction laissée pour compte à la veille du grand massacre. “Le ciel avait une dernière éclaircie avant le sanglant orage, et l’accord était fait entre le parti de la guerre et celui de la paix.” En vertu de cet accord, le premier gardait tout et le second disparaissait.

“Parmi les parlementaires socialistes, un clan non négligeable était hyper-nationaliste”, a écrit Lavau, qui s’y connait. Les minoritaires socialistes de gauche, syndicalistes révolutionnaires et anarchistes sont restés minoritaires : résignés, matés par la répression de toutes les libertés, bâillonnés par la censure, et terrorisés par le “carnet B”, le camp des suspects, la guillotine et le poteau d’exécution ; tenus par les sursis d’appel et les commissions “de santé” pour la récupération des “réformés”, qui étaient envoyés faire du pacifisme et se refaire effectivement une santé en première ligne de feu ; brisés par la guerre même, et débordés par le Nationalisme belliciste des masses populaires, alors qu’ils trouvaient bouchées les conférences et la correspondance internationales par le refus du courrier et des passeports.

“Il n’y a plus de droits ouvriers, plus de lois sociales, il n’y a plus que la guerre”, déclarait Millerand, devenu déjà ministre en 1896 avec l’appui de Jaurès, son compagnon de parti, avant de devenir ministre de la guerre quasi-inamovible entre 1912 et 1915. Mais les marxistes de Guesde, comme les blanquistes “antipatriotes” et anti-militaristes d’Hervé, qui étaient auparavant bien plus “intraitables” que Jaurès sur l’impérialisme, la paix, la guerre et la “défense nationale”, ont prôné l’Union sacrée dès que la guerre a été déclarée, et sont devenus des Nationalistes et des bellicistes à outrance. Pourtant Guesde avait prévenu en 1899: “Le jour où le cas Millerand serait devenu un fait général, il faudrait dire adieu à tout internationalisme et devenir les nationalistes que, ni vous, ni moi, ne consentirons jamais à être.” (Ne jamais dites “jamais”.)

Selon Lénine, “les social-chauvins français, qui sont les plus habiles, les plus rompus aux filouteries parlementaires, ont depuis bien longtemps battu tous les records dans l’art de prononcer des phrases pacifistes et internationalistes infiniment grandiloquentes et sonores, tout en trahissant avec un cynisme inouï le socialisme et l’Internationale, en entrant dans les ministères qui font la guerre impérialiste, en votant les crédits ou les emprunts”, “en s’opposant à la lutte révolutionnaire dans leur propre pays” etc. etc. Ces petits bourgeois “ont conduit le socialisme à cette honte inouïe: justifier et farder la guerre impérialiste en lui appliquant les notions de ‘défense de la patrie’”.

À la Conférence de Zimmerwald (1915), Merrheim répondait ainsi à Lénine qui le pressait d’agir: “Quant à la grève de masses contre la guerre, ah camarade Lénine! Je ne sais pas même si j’aurais la possibilité de retourner en France et de dire ce qui s’est passé à Zimmerwald; c’est loin de pouvoir prendre l’engagement de dire au prolétariat français: Dressez-vous contre la guerre!”.

Malgré les hommages appuyés – et intéressés – des bolcheviques et les réserves des pacifistes, il n’y a pas d’illusion à se faire sur le comportement qu’aurait eu Jaurès si les hyper-nationalistes ne lui avaient ôté toute possibilité de faire quoi que ce soit. Son souci concernant “l’état de nos mitrailleuses sur la frontière de l’Est”, quelques jours avant le déclanchement des hostilités, n’était pas en désaccord avec ses idées d’auparavant, et on ne saurait pas à ce sujet parler de trahison ou inconséquence, comme pour d’autres pacifistes bien plus loquaces et intransigeants que lui. La recherche de la paix l’aurait toujours motivé, au dedans des limites qu’il avait toujours affirmées. Par contre, on ne peut pas dire sans ombre d’hésitation ce qu’auraient fait à ces moment-là les représentants Nationalistes de l’actuelle “gauche” Nationaliste d’Anglet. À entendre ses représentants, dès la première heure ils se seraient tous portés volontaires pour la première ligne de feu, comme ils auraient tous été résistants dès 1940.

“En temps de guerre tout le monde devient nationaliste.” “L’Internationale est faite pour des temps de paix, elle n’a pas sa place dans des temps de guerre”, disait Kautsky. “Prolétaires de tous les pays, unissez-vous dans la paix et coupez-vous la gorge dans la guerre” était – selon le commentaire sarcastique de Luxembourg – le nouvel mot d’ordre de l’Internationale socialiste. Il était en correspondance à celui de l’Eglise romaine: “Chrétiens, aimez-vous les uns les autres dans la paix et égorgez-vous les uns les autres dans la guerre”. Ce que d’un côté comme de l’autre on a fait consciencieusement, sous les louanges et les bénédictions des respectives hiérarchies nationales.

La littérature en langue basque s’est enrichie par la même occasion de nouveaux textes devenus classiques, comme les sermons et les articles de Hiriarte-Urruti, Barbier et Anxuberro, poussant les jeunes indigènes à tuer et se faire tuer pour défendre la vraie religion et l’Empire français contre les hérétiques et les autres Nationalismes. Peu importaient alors l’origine, la langue, la religion ou les motivations, pourvu que la chair à canon soit prête à l’emploi au point nommé. Comme le dit Espilondo : “Pourquoi pas, si c’est pour bien faire”.

Comme le disait encore Lénine: “La bourgeoisie française a inculqué aux soldats de ses colonies que les noirs devaient défendre la France”. “La France a appelée sous les armes des millions de nègres pour combattre les Allemands. On a formé des groupes de choc et on les lançait dans les secteurs les plus dangereux où les mitrailleuses les fauchaient comme de l’herbe.” Le génocide des Peuples subjugués des colonies françaises se poursuivait par mitrailleuses allemandes interposées.

XV

Même si on fait la part de la rhétorique imagée et des effets de style de Jaurès et des autres, on peut se demander ce que cache ou révèle l’inflation météorologique qui recouvre de plus en plus le vocabulaire politique quand la guerre approche :

“Nuée dormante qui porte l’orage, nuée de l’orage qui est déjà sur nous, ciels où les nuages d’orage se bousculent, foudres de la guerre qui menacent dans les nuées, atmosphère de foudre, horizons qui noircissent, point à l’horizon, fréquentes éclipses, dernière éclaircie avant le sanglant orage, vents soufflant sur le monde, cyclone à l’ombre immense, cyclone qui va s’abattre, écume qui va allégrement vers les rivages, formidables vagues, lames déferlantes comme lames de fond, raz de marée (tempête), horrible tourmente”... apparemment, l’analyse politique avait bel et bien récupéré les informations météorologiques avec horaires des marées et prévision du temps. Tout ça avec la forêt épineuse et sauvage (en prime pour l’histoire naturelle) où rôdent, depuis des siècles, des bêtes de proie; et (pour ce qui est de l’astronomie) avec des éclipses à répétition etc. (Où se situe la politique en tout ça ?)

En tout cas aucune doute n’est pas permis: cette piraterie et cette répression; ces bourgeois, possédants grands et petits, flibustiers, journalistes de proie, banquiers d’audace et capitalistes cyniques; cette forêt épineuse et sauvage où rôdent depuis des siècles des bêtes de proie; ces rêves d’expéditions fructueuses, ce pillage et cette barbarie dont ne se privent pas les représentants de la civilisation européenne; cette écume des hautes classes capitalistes qui va allégrement vers les rivages marocains, ces banquiers de proie qui ont exploité par des prêts usuraires un pays livré par des fantoches à des forbans, et ces capitalistes impatients qui se faisaient donner concession sur concession et qui poussaient leur entreprises sans aucun égard aux droits, aux habitudes et aux sentiments de tout un Peuple; ces protectorats établis par la force qui ont laissé des souvenirs abhorrés, des souvenirs de sang et des souvenirs de violence; cette politique militariste, funeste, insensée et vraiment criminelle où se combinent colonialisme et réaction; ces leçons qu’on prétend donner de sagesse, de désintéressement et de respect du droit international hypocritement et cyniquement violé par nous; ce nationalisme qui essaie d’assourdir et de stupéfier le cerveau populaire au profit de la réaction, qui ameute contre l’Allemagne les passions de la rue et le patriotisme tapageur, et qui exclue Lohengrin de tout répertoire; ce nationalisme fanfaron qui substitue l’Allemagne par l’Angleterre par un tour de passe-passe et qui atteste des haines chauvines, et ces émotion nationalistes et guerrières qui agissent plus profondément sur l’esprit humain que les émotions internationales et révolutionnaires; cette formidable crise nationaliste qui soulève la classe ouvrière, qui a assassiné Jaurès et aurait fusillé tout autre qui aurait résisté; ce mauvais nuage qui était sur le monde ouvrier, ce raz de marée et cette formidable vague qui passent, qui désemparent et affolent les plus hauts responsables et emportent le syndicalisme; cette vague déferlante comme une lame de fond; ce vent nationaliste qui souffle sur le monde, qui arrête dans sa marche le prolétariat international, qui entraîne à la dérive une partie même de la classe ouvrière jusqu´à faire le jeu de l’ennemi; cette ombre immense du cyclone qui approche et dont on ne mesure ni l’étendue ni la durée; cette dernière éclaircie avant le sanglant orage; ces Peuples qui se sentent dans une atmosphère de foudre; ces foudres de la guerre qui menacent dans les nuées; cette société industrielle qui même en état d’apparent repos porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage; ces menaces de guerre qui noircissent l’horizon; et – enfin – cette guerre impérialiste mondiale, dont on prévoyait depuis longtemps la venue et qui est le résultat du choc de tous les impérialismes nationaux qui ont intoxiqué tous les États grands et petits, tout ça est : dans les textes et les contextes de Jaurès, le nationalisme français, c’est le capitalisme et la bourgeoisie françaises en concurrence avec les autres grandes puissances pour la domination et la suprématie mondiales.

Mais voici que la nouvelle exégèse qui propose et impose Espilondo diffère sensiblement de cette interprétation. Selon Espilondo, le nationalisme dont parlait Jaurès, le nationalisme qui menace et viole la paix, la liberté et l’ordre international, n’est pas celui de l’Impérialisme français, anglais, allemand ou américain qui a ensanglanté sans cesse l’Europe et le monde, c’est celui des basques. Cette société industrielle : qui même en état d’apparent repos porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage, c’est celle des basques. Ce nationalisme est la peste de la bourgeoisie basque.

Dans des cas semblables on peut hésiter entre trois hypothèses. Ou bien Espilondo n’a pas lu – même de très loin – Jaurès, mais prétend qu’il l’a fait pour tromper les victimes de son bavardage. Ou bien il l’a lu, mais il n’a rien compris et fausse les idées de Jaurès. Ou bien il l’a lu et il l’a compris, mais il est un menteur et un faussaire. Quoi qu’il en soit, il ment ou fausse les idées dont il se réclame, en se servant de son prophète Jaurès pour assouvir et servir sa haine du Peuple Basque. Par là même il se disqualifie moralement, et il disqualifie encore le mouvement qui en fait son porte-parole. “J'ai toujours fait le choix de la fidélité aux valeurs démocratiques, du contact permanent avec le terrain et du parler vrai. Dans la clarté, toujours dans la clarté. La vie politique doit être claire. Je refuse le double langage. C'est aussi faire le choix d'une certaine éthique politique.” Elles sont belles les valeurs démocratiques, elle est belle l’éthique politique, il est clair et vrai le parler et fiable la fidélité auprès d’Espilondo !

Espilondo est un menteur ou un faussaire. De lui on peut dire ce que dit Roccard au sujet de Mitterrand: “Il n’était pas un honnête homme”. Et Jaurès: “Je vous dis à vous tous, républicains: souvenez-vous que dans notre histoire il y a deux forces indivisibles, deux mots synonymes: contre-révolution et calomnie!” Et Marx: “Un homme qui essaie d’accommoder la science à une position qui ne dérive pas de son intérêt propre – pour erroné qu’il soit – mais d’intérêts extérieurs, aliens et étrangers, je dis qu'il est un homme vil, je l’appelle vil”. Bien entendu, ni Jaurès ni Espilondo ne sont pas des marxistes.

XVI

Le PcF, membre de la Troisième Internationale après le Congrès de Tours (1920), n’y a rien changé. Et pourtant, au V Congrès Roy disait : “Il est admis (et le deuxième Congrès de l’International Communiste l’a assez clarifié) que l’Internationale communiste reconnait la nécessité historique de proclamer le droit des nationalités opprimées à la libre disposition”.

Au IV Congrès, Safarov notait que “Ces camarades du parti français [...] ne sont pas des camarades mais des petits-bourgeois”. “Ces soi-disant communistes […] protestent contre l’appel de l’Internationale communiste aux colonies françaises.” “Il ne s’agit pas d’anthropophagie, il s’agit simplement de la question nationale et coloniale.” “Sous le drapeau du communisme se cachent des idées chauvines étrangères et hostiles à l’internationalisme prolétarien.” Ce qui – a-t-il dit – était revenir aux “conceptions de la II Internationale avant la guerre”.

Et Manuilskij notait au V Congrès: “Il y a environ un an le Komintern a lancé un appel aux esclaves coloniaux, les appelant à se soulever contre leur maîtres. Quand cet appel et arrivé à une section du P.C.F. en Algérie – celle de Sidi-Bel-Abbès – cette section a pris une résolution condamnant un tel appel du Komintern à des gens d’une autre race, exploités par l’impérialisme français”. “A-t-on exclu du parti ces hommes qui sont peut-être de bons français, mais de fort mauvais communistes?” “Où sont les documents où le PC français affirme le mot d’ordre de la séparation des colonies?”. “Vous avez à l’heure présente 800,000 travailleurs indigènes en France. Je demande: qu’avez-vous fait pour organiser ces ouvriers, pour les préparer à être des cadres d’agitateurs révolutionnaires dans les colonies? Votre armée compte 250,000 soldats noirs. Croyez-vous que vous pourrez faire une révolution sociale si demain ces 250,000 se trouvent de l’autre côté de la barricade?” “Lors du Congrès de Lyon le Komintern avait adressé un appel aux ouvriers français et aux Peuples coloniaux.” “L’Humanité, en publiant cet appel, a préalablement séparé du texte les mots ‘et aux Peuples coloniaux’.”

Pour ce qui est du “compte-rendu analytique” du V Congrès (publié par la Librairie de l’Humanité), Carrère et Schram écrivent qu’il a été réduit “à quelques lignes sans relief”, “un travesti du texte complet”, “édulcoré au point d’être rendu inutilisable”, où les critiques concernant le PcF “sont également très atténuées”. Le PcF ne s’est pas amélioré depuis lors.

Les “communistes” français affirmaient, en effet, que le principe de libre disposition était applicable pour certaines colonies (anglaises, évidemment); mais qu’“une souveraineté d’anthropophages n’est pas désirable” :

“Il y a des Peuples en tutelle qui sont dès maintenant capables de se gouverner seuls, et d’autres qui ne le sont pas encore; et si le devoir communiste commande de donner la liberté aux premiers, il commande plus impérieusement encore de ne pas abandonner les seconds à leur misérable sort, il commande fortement de leur servir de précepteurs humains et désintéressés”, “dans l’intérêt même des populations malheureuses de l’Afrique du Nord, de la Syrie, du Liban, de l’Indochine.” “Les indigènes sont composés en majeure partie d’arabes réfractaires à l’évolution économique, sociale, intellectuelle et morale indispensable aux individus pour former un État autonome capable d’atteindre à la perfection communiste.” “Ils n’ont ni techniciens, ni outillage, ni ouvriers susceptibles de mettre en valeur le sol et le sous-sol de l’Afrique du Nord.” “Les bourgeois arabes se réclament des principes nationalistes et féodaux.” “Les prolétaires indigènes sont surtout exploités par leurs coreligionnaires bourgeois, par leur chefs religieux”, “par leur chefs d’exploitations rurales.” “Les musulmans refusent l’instruction aux femmes.” “Le soulèvement de la masse musulmane algérienne (…) serait à l’heure actuelle, c’est à dire avant toute révolution victorieuse dans la métropole, une folie dangereuse dont les fédérations algériennes du parti communiste, qui ont avant tout le sens marxiste des situations, ne veulent pas se rendre coupables devant le jugement de l’histoire communiste.” “Or, un soulèvement victorieux des masses musulmanes d’Algérie qui ne serait pas postérieur à un même soulèvement victorieux des masses prolétariennes de la métropole, amènerait fatalement en Algérie un retour vers un régime voisin de la féodalité.” “Vous aurez certainement, dans le cas d’une souveraineté arabe prématurée, à libérer des esclaves communistes du joug des féodaux musulmans.” “Posséder des esclaves, au sens étroit du mot, est une tradition musulmane en Algérie.” “Les bourgeois nationalistes arabes profiteraient de l’indépendance pour se livrer à une politique féodale d’oppression à l’égard des masses indigènes du bled.”

Voilà le parti qui lance des accusations de xénophobie à l'encontre des démocrates basques. On croirait entendre la clique “communiste” d’Anglet. Nous savons où tout ça nous a conduit, quelle répression et quelles crimes atroces ont été mis en œuvre par le gouvernement “de gauche” à l'encontre des Peuples subjugués, pour la défense de la civilisation et la révolution National-socialiste et National-communiste françaises.

Un peu plus tard, le Français Nationaliste Thorez a donné sa position sur le Mouvement de libération des peuples coloniaux dans le rapport d’ouverture au Congrès du Parti communiste Français, avec une mystification de la pensée de Lénine inclue : “Au Liban et en Syrie, la France ne peut continuer à favoriser [un nationalisme arabe mené par] les agissements des fascistes, agents de Mussolini, ennemi de la France du Front populaire, qui font régner la terreur sur un peuple qui veut vivre en amitié avec la France. La revendication fondamentale de notre Parti communiste concernant les peuples coloniaux reste la libre disposition, le droit à l’indépendance. Rappelant une formule de Lénine, nous avons déjà dit aux camarades tunisiens, qui nous ont approuvés, que le droit au divorce ne signifiait pas l’obligation de divorcer. Si la question décisive du moment c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France, et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme et placer par exemple l’Algérie, la Tunisie et le Maroc sous le joug de Mussolini ou d’Hitler, ou faire de l’Indochine une base d’opération pour le Japon militariste.” (Maurice Thorez ; IX Congrès du Parti communiste français, Arles, Décembre-1937.)

“Nous avons dit et nous répétons : ‘Unir tous les hommes qui veulent vivre libres, sans distinction de races ni de religions: tous les Français de France et tous les Français d’Algérie. Quand je dis ‘Français d’Algérie’ je vous entends tous ici présents, vous les Français d’origine, les Français naturalisés, les israélites, et vous aussi les musulmans arabes et berbères, tous les fils, sinon par le sang, du moins par le cœur de la grande Révolution française qui ne faisait aucune distinction entre les races et les religions quand elle affirmait que la République française était une et indivisible’.” (M. Thorez, Œuvres choisies (2). 1938-1950.)

Or, pour que quelques-uns ne soient pas ses fils par le sang, il faut bien qu’il y en ait d’autres qui sont des fils par le sang d’une République française que – on nous dit – est distincte par ce sang, dont la formule ne nous est pas communiquée. Et en outre, si la République française est toujours une e indivisible, alors il n’y a pas de place pour le droit de libre disposition de tous les Peuples, qui sont niés en théorie et en pratique par le Nationalisme impérialiste et chauvin français.

Et il continue à dire: “Où est maintenant dans votre pays la race élue [...]. Tous ceux-là se sont mêlés sur votre terre d’Algérie, auxquels se sont ajoutés des Grecs, des Maltais, des Espagnols, des Italiens et des Français, et quels Français! Les Français de toutes nos provinces, mais en particulier les Français des terres françaises de Corse et de Savoie, et ceux de la terre française d’Alsace, venus en 1871 pour ne pas être Prussiens.” “Notre cause: la cause de la liberté; la cause de la Liberté et de la France triomphera par l’unité. Vive l’unité!”

Cependant, on voit que, s’ils “s’étaient mêlés” in Algérie, il n’y avait plus de Berbères, Arabes etc. mais seulement “de descendants et de fils” de ces gens-là, tous devenus Français en toute liberté. Les Français “d’origine”, par contre, sont des Français ‘per se’, et non seulement de “descendants et fils” de ces gens-là, puisque de tous ces personnes de différents origines seulement eux restent ce qu’ils étaient. Pour les autres, l’union “avec” le peuple de France est en réalité l’incorporation “au” peuple de France qui existait déjà auparavant.

Ce n’est pas la pluralité des Français et des autres en tant que Peuples différents, c’est la “pluralité” de toutes origines mais tous devenus Français, puisque les peuples d’autres origines n’existent plus car ils ont cessé d’être ce qu’ilsétaient pourdevenir Français.C’est grand, c’est généreux la France du PcF, prête à civiliser-franciser le monde entier! Il suffit pour cela d’exclure le “nationalisme excluant” (grec, maltais, espagnol, italien, prussien, anglais, américain, japonais, vietnamien, algérien, numide, berbère, carthaginois, romain, arabe, turc et, bien entendu, breton, corse ou basque; bref : celui de tous les autres) au profit du seul “non-nationalisme anti-nationaliste incluant” (français), toujours réaffirmé de manière obsessionnelle :Français des terres Français de Corse et de Savoie, celles des terres Français d’Alsace. Mais en même temps, la revendication fondamentale de notre Parti communiste concernant les peuples coloniaux reste la libre disposition, le droit à l’indépendanceSans aucun doute, cela reste encore le ‘droit de libre disposition des Peuples’ incorporé au nationalisme français “de gauche”.

Le paradigmatique cas algérien. “La simplicité apparente de l’enjeu – indépendance ou non – dissimule la complexité de la situation. Si l’indépendance du protectorat ou de la colonie était considérée par l’Etat impérial comme un mal ‘absolu, une défaite irrémédiable, on reviendrait à la dualité élémentaire ami-ennemi. Le nationaliste – tunisien, marocaine, algérien – serait l’ennemie, non pas ‘occasionnel ni même ‘permanent, pour reprendre les termes que nous avons définis plus haut, il serait l’ennemi ‘absolu, celui avec lequel aucune réconciliation n’est possible, dont l’existence même est une agression et que, par conséquent, si l’on allait jusqu’au but de la logique, on devrait exterminer. ‘Delenda est Carthago: la formule est celle de l’inimitié absolue, l’inimitié de Rome et de Carthage; l’une des deux cités est de trop. Si l’Algérie ‘doit demeurer ‘définitivement française, les nationalistes qui veulent une Algérie indépendante doivent être éliminés impitoyablement. Pour que des millions de musulmans deviennent français, au milieu du XXe siècle, il faut qu’ils ne puissent même plus rêver de nation algérienne et oublient les témoins ‘qui se firent égorger’.” Etc. (Raymond Aron; ‘Paix et guerre entre les nations’, 1962.)

Mais celà semble bien être aussi la position de principe de Jaurès, même si les applications théoriques concrètes et le passage à l’acte en illustrent les limites.

XVII

Selon Yves Person, “Le peuple français paraît avoir eu de tout temps un certain mal à définir son identité et s’accepter en tant que tel. Il y a remédié par une fuite constante vers un universalisme qu’il a décidé d’ailleurs de réduire à lui-même.” “La volonté du génocide culturel paraît marquer les peuples latins et parmi ceux-ci, tout en tête la France.” “La puissance du génocide français repose avant tout sur le mythe de l’universalité de la culture française.” “Ils s’étonnent donc que le monde entier ne se rallie pas de bon gré et connaissent des crises de rage névrotique quand ils se heurtent à une langue plus forte, comme l’anglais. Le drame est que ce mythe meurtrier a été accepté sans aucune critique et diffusé avec une efficacité redoutable par nos Ecoles Normales. Bien que se croyant souvent de gauche, la masse de nos instituteurs adhère toujours au travestissement en universalisme des prétentions nationalistes des Français.” Ils “ont travaillé à détruire les solidarités collectives, et avec elles les cultures nationales des colonies.” Ils ont formé ainsi, dans les Peuples dominés par la France, “une bourgeoisie déracinée bien décidée à se consacrer” “à la destruction de ses propres valeurs nationales, qu’on lui avait appris à mépriser”. (Yves Person, ‘Impérialisme linguistique et colonialisme’; Les Temps modernes.)

Les Français ne peuvent voir dans les autres que des êtres inférieurs, susceptibles au plus d’être refaits à l’image des Français. Pour ce pays prétendument modèle, arrogant et prétentieux, même sa langue est “la plus logique” et sera la langue universelle. La répétition infernale de mythes constamment encouragés dans cette “Île des Pingouins”, entraînée par son Nationalisme impérialiste et chauvin, exclut toute révision critique qui pourrait mettre en question les dogmes établis.

L'idéologie nationaliste pose immédiatement l'identité romantique, dogmatique, essentialiste, constructiviste et mystique de la France attaché à l'universel, le bien absolu, la raison, la pensée du monde, l'espoir des Peuples, la raison abstraite et cartésienne, l’œuvre de civilisation, l’humanisme, l’universalisme, la justice, la liberté, les droits humains et la démocratie. Rien en eux ne saurait donc contredire le Nationalisme français, expression de la supériorité de la race, de la langue et de la culture françaises. L'ethnocentrisme nationaliste étant devenu universalisme, vider le monde et mettre la France à la place c’était la seule tâche à accomplir. Faire de tous les personnes des civilisés, c’est à dire des Français, pour autant qu’ils soient capables de le devenir. Libérer tous les personnes, c’est à dire dominer les Peuples, les exploiter, les exterminer, et les incorporer à la France au nom de la liberté et la démocratie : falsifiées et présentés comme identiques à les caractéristiques ‘naturelles’ de l’absolutisme français qu’il soit monarchique ou républicain.

C’est là ce qu’ils veulent “au fond” (très au fond) d’eux-mêmes. Parce que, qui ne voudrait pas appartenir au Peuple supérieur qui va devenir maitre matériel et spirituel du monde et qui un jour, malheureusement éloigné, se confondra avec le genre humain? Comme l'a écrit Domenach, malgré les moyens “parfois atroces” qui ont servi à les réduire, “les nationalités conquises par la France se sont ralliées. Non pas seulement les élites, à cause du prestige de Paris et d’une civilisation qui fut la plus grande du monde, mais les peuples aussi, et dans un enthousiasme qui substitua à la violence du fait l’adhésion du cœur”. (“A l’insu de leur plein gré”, sans doute). C'est le droit de libre disposition en version française. Le romantisme impérialiste fait partie, très significative, du romantisme nationaliste en général. L'humaniste-chrétien-personnaliste-nationaliste feint de croire tout ce qu'il a envie de croire, et espère bien que les autres voudront le croire aussi.

L’ignorance et le mépris des autres, corrélativement, sont fondement idéologique de l’Impérialisme. Pour le Nationalisme dominant, les nations qu’il réduit ou qu’il veut réduire à sa merci ne valent rien. Leur race est inférieure ou dégénérée; leur économie, misérable; leur histoire, inexistante; leur territoire, terre sans maître; leur “politique”, tyrannie ou anarchie; leurs mœurs, immorales, dégradantes et cruelles; leur “culture”, triviale, enfantine et pernicieuse; leurs “langues”, des jargons, des patois, des baragouins, des sabirs, des charabias et des dialectes (sans langue). Ce ne sont pas des Peuples ou des Nations, ce qui exclut tout droit de libre disposition; celui-ci appartenant seulement aux vrais Peuples, aux Peuples nobles, forts, complets, achevés et adultes, capables d’histoire et de civilisation. On ne saurait abandonner ces peuplades et ces tribus à leur triste condition mais les tirer de là (si nécessaire par la force), les soumettre, leur donner la place qui leur correspond dans la civilisation et, si possible, les liquider pour y installer la race supérieure. D’ailleurs, faibles de corps et d’esprit comme elles le sont, dépourvues de raison et de volonté, elles ne sauraient trouver les forces et la volonté nécessaires pour poursuivre la folie d’une résistance sérieuse et prolongée, qu’on pourrait mâter par quelques expéditions pacificatrices ou quelques massacres correctement menés, consolidés par une occupation militaire et civile bien organisée.

A vrai dire, les peuplades conquises ont vite fait de comprendre où est leur intérêt, et elles demandent elles-mêmes d’être occupées et colonisées. Il serait inconcevable qu’elles puissent refuser longtemps la chance qui leur est offerte; qu’elles puissent refuser l’apport de la civilisation et du progrès que les Peuples supérieurs répandent dans leur expansion de par le monde. Dans leur immense majorités les aborigènes sont soumis, loyaux et reconnaissants; à l’exception toutefois de quelques malfaiteurs irréductibles, manipulés de surcroît par l’étranger, qui essaient de prendre la place des Français. Pour les Nationalistes français les Peuples vaincus ne valaient de toute façon pas grand-chose, et devenir Français c'était le mieux qui pouvait leur arriver. Étant données toutes ces conneries idéologiques auxquelles les Nationalistes françaises croient fermement, que la réalité vienne démentir les préjugés; que la résistance de fait vienne assombrir ce tableau idyllique, et la fureur Nationaliste-impérialiste sera à la mesure de la déconvenue.

Voici quelques exemples de la littérature socialiste qui montrent Nationalisme français. Selon Engels :

“Ces gens [françaises] exigent maintenant, parce que les victoires allemandes leur ont fait cadeau d’une république (et quelle république!), que les Allemands quittent immédiatement le sol sacré de la France, sinon: guerre à outrance. Ils continuent à s’imaginer comme autrefois que la France est supérieure, que son sol a été sanctifié par 1793, et qu’aucune des ignominies accomplies depuis par la France ne saurait le profaner, et que le mot creux de ‘république’ est sacré.” (D’une lettre à Marx, 1870.)

“En générale, un mouvement international de prolétariat n’est possible qu’entre nations indépendantes. Le peu d’internationalisme républicain entre 1830 et 1848 se groupa autour de la France, qui devait libérer l’Europe. ‘Cela intensifiât le chauvinisme français’ à ce point, que la mission de la France pour libérer le monde, et son droit d’ainesse à occuper la première place, nous rendent la vie impossible tous les jours. [...]

“Aussi à l’International, les Français ont considéré ce point de vue comme clairement évident. Seuls les événements historiques pourraient leur enseigner – et plusieurs autres aussi – et ils devraient même l’apprendre quotidiennement, que la coopération internationale n’est possible qu’entre les ‘égaux’, et même un ‘primus inter pares’ peut exister au mieux pour une action immédiate.

“Par conséquent, tant que la Pologne reste divisée et subjuguée [comme c’est le Royaume de Nabarra], il ne peut y avoir de développement ni d’un puissant parti socialiste au sein même du pays, ni de véritables rapports internationaux [...]. Les socialistes polonais qui ne parviennent pas à mettre la libération du pays au premier plan de leur programme me rappellent les socialistes allemands qui étaient réticents à exiger l’abrogation immédiate de la loi anti-socialiste, ainsi que la liberté d’association, de réunion et de presse. Pour pouvoir se battre, vous devez d’abord avoir du terrain, de la lumière, de l’air et de la liberté d’action. Sinon, vous n’allez jamais plus loin qu’un bavardage” (D’une lettre a Kautsky, 1882.)

Marx écrit à Engels sur la ‘clique proudhoniste’ à Paris, qui:

“[...] déclare que les nationalités comme une absurdité, [et] attaque Bismarck et Garibaldi. En tant que polémiques contre le chauvinisme, leurs actions sont utiles et explicables. Mais en tant que croyants en Proudhon (auxquels appartiennent aussi mes bons amis d’ici, Lafargue et Longuet), qui pensent que toute l’Europe devrait et voudra rester paisiblement assise sur leur postérieur en attendant que les chevaliers de la France aient aboli la pauvreté et l’ignorance – ils sont ridicules”. (Lettre du 7 juin 1866.)

“Hier – écrit Marx le 20 juin 1866 – il y a eu discussion au Conseil de l'Internationale sur la guerre en cours. [...] Les débats, comme il fallait s’y attendre, se sont concentrés sur la question des ‘nationalités’ et de notre attitude à son égard. [...] Les représentants de la ‘jeune France’ (pas ouvriers) mirent en avant ce point de vue que toute nationalité et la nation elle-même sont des préjugés surannés. [...] Le monde entier doit attendre que les Français soient mûrs pour réaliser la révolution sociale. [...] Les Anglais ont bien ri lorsque j’ai commencé mon discours en disant que notre ami Lafargue et les autres abolisseurs des nationalités s’adressent à nous en Français, c’est à dire en une langue incompréhensible aux neuf dixièmes de l’assemblée. Ensuite j’ai donné à entendre que, sans s’en rendre compte lui-même, Lafargue comprend, semble-t-il, par négation des nationalités leur absorption par la nation française, considérée comme un modèle.” (Cité par Lénine ; ‘Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes’.)

De l'avis de Rivarol, “La langue française est la langue universelle”. Selon Druon “il semble qu’aucune autre langue n'a suscité autant d’amour, de ferveur, d'adhésion et d'abnégation à son égard”. “C'est la plus belle langue du monde”, affirmait le charlatan, flagorneur et philologue Zitrone devant un approbateur, unanime et ravi parterre d'esthètes et linguistes, réunis “dans le plus beau pays du monde, dans la plus belle ville du monde et aux abords de la plus belle avenue du monde” – selon les Français. Les Français “avouent qu’ils ne sont pas doués pour les langues”. Mais les aveux des Français cachent toujours la croyance à une intelligence supérieure. En effet, pourquoi apprendre ?: “En attendant le jour heureux où le monde entier parlera français”, disait Zola. Mais les Français ne se contentent pas d’attendre.

Ce qui caractérise le plus le Nationalisme français n’est pas toutefois la conviction de la supériorité de sa race, de sa langue ou de sa culture. Cette conviction c’est la banalité même des “grands” pays de ce monde, et de pas mal de petits. Ils se croient tous supérieurs aux autres, ils réclament les droits particuliers qui correspondent à cette supériorité, ils sont décontenancés en constatant que d'aucuns ne partagent pas cette persuasion, et ils sont alors portés à prendre les mesures “défensives et de stricte justice” qui s’imposent pour remédier à l'intolérable état de choses qui en résulte.

Alors, ce qui caractérise les Nationalistes français, et fait d’eux un cas unique dans l’histoire de l’Humanité, ce n’est pas qu’ils se croient supérieurs, c’est qu’ils croient que les autres le croient. Le Nationaliste anglo-saxon s’inquiète d’être “respecté sans pour autant être aimé”. Le Nationaliste espagnol maudit la Légende noire, les Français, les Anglais, les Juifs ou les francs-maçons “qui haïssent et dénigrent l’Espagne”. Le Nationaliste allemand n'est plus étonné du rôle de méchant qui lui est réservé depuis la guerre franco-prussienne; finalement il s’en fiche ou il s’en accommode: il “sait” ce qu’il vaut et il le fait savoir à sa manière. Le Nationaliste français, pour sa part, croit être l’objet d’une admiration et d'une envie universelle et sans bornes. Sa surprise et son indignation n’en sont que plus grandes quand il découvre qu’il existe de par le monde des gens assez pervers pour ne pas le voir comme il se voit lui-même.

Trop imbus de la supériorité qu’ils s’attribuent eux-mêmes, pour s’apercevoir détestés, les Français ne peuvent concevoir que le monde entier ne les admire, les envie et les aime, même les Pays conquis et colonisés. Ils sont incapables de comprendre qu’il puisse exister des gens normaux qui ne veulent pas être ou devenir Français; c’est pourquoi sont-ils incapables de prévoir et de “préparer” les mouvements de libération nationale, traités toujours par la violence à outrance. Ils ont pour les Espagnols les mêmes sentiments et le même mépris que les Allemands ont pour les Français, les Gitans et autres, mais ils croient en plus qu’ils sont aimés par les Espagnols. Ils ont pour ceux-ci “la condescendance, la sympathie, la gentillesse, l’affection et l’admiration amusée” que les seigneurs, les maîtres et les colonialistes ont toujours montré envers leurs inférieurs, les serves, les esclaves et les colonisés. 

XVIII

France : le Royaume-Empire-République français, fait référence au primitif Peuple et Royaume des Francs, accru par des successives “acquisitions, annexions, unions, réunions et adhésions” qui furent le résultat des continues guerres d’agression, expansion et conquête contre tous les petits États environnants du Continent et des îles adjacentes, en plus de leur annexions d’Outre-Mer; tout ce qu’il fonda son Empire : l’État “de France et de Navarre” jusqu’en 1830, dans lequel ‘universel et français’ s’identifient. Dans lui, la guerre et la terreur ont défait toute opposition stratégique. Le monopole de la violence et de la terreur est devenu absolu. Par conséquent, le Gouvernement français fait face à tous les problèmes : politiques ou individuels, par un recours immédiat, sans contemplation, limites ou palliatifs, à la répression armée. Cette procédure a échoué à plusieurs reprises au cours du siècle précédent, mais il continue de s’appliquer, car elle est la seule qui répond à la nature du régime.

Comme c’est le cas en général pour les entreprises d'agression et domination contre la liberté des Peuples et l'intégrité et l'indépendance des États, il n'y a pas de problème théorique ou scientifique pour établir la nature historique et sociologique de la subjugation impérialiste au Pays Basque. Ce Peuple, à la personnalité bien plus ancienne et caractérisé que celle de ses voraces voisins, a manifesté dans toute son existence le souci constant de sa liberté. “Une indépendance farouche avait toujours été la caractéristique des Basques depuis leur apparition dans l'histoire”, reconnaît Atkinson. C'était plus que ce que le despotisme asiatique espagnol, l'absolutisme français et le totalitarisme pontifical pouvaient tolérer. C'est par la violence la plus déterminée que cette liberté leur a été enlevée par ces nouveaux venus qui ne supportaient et qui ne supportent pas la liberté pour eux-mêmes, moins encore pour les autres.

Pour ces Nations prédatrices, il faut que le Peuple Basque disparaisse au plus tôt et par tous les moyens. Cette existence étant maudit, il faut même qu'il est déjà disparu idéologiquement, il faut encore qu'il n'ait jamais existé pour que la France et l'Espagne puissent exister dans leur essence supposée qu’ils s’attribuent : précédant et transcendant histoire et société.

Cacher et fausser la réalité est objectif normal de toute idéologie totalitaire. Pour liquider les Peuples il faut bien liquider leur mémoire historique et toute connaissance d'eux-mêmes. Jour après jour, pendant des dizaines et des centaines d'années, les monopoles de propagande et endoctrinement, les “Services Publics” et “l'Education Nationale” : depuis la maternelle à l’âge adulte, et á l'abri de toute contestation et de tout recours critique, fabriquent la conscience politique des populations assujetties. Il serait évidemment impossible de répertorier la somme incalculable de mensonges et contresens qu'une idéologie de cette acabit a pu véhiculer à ces populations, occupant tout l’espace idéologique de façon á empêcher toute opposition de se manifester. L'Etat totalitaire est posé par la violence idéologique dans l’idée, après avoir été préparé et imposé par les armes dans le fait.

Lorsque Louis XIV de France et III de Navarre, au sommet de son pouvoir, ordonnait détruire – ou recopier “en faisant des coupes” – les archives concernant les soulèvements paysans du “Grand Siècle” et leur impitoyable répression, il fabriquait ainsi l'historiographie officielle dont Pórshnev dénonce la téléologie et la rétrojection au service du mythe hégémonique de la grande bourgeoisie française sous la Monarchie absolue. Tout en ramenant lui-même l'histoire aux schémas, les préjugés, les postulats et les “axiomes” qui servent le Nationalisme de cette même classe social et son Etat impérialiste. C'est vrai que l'école soviétique de l'histoire ne recule pas devant ce type d'opérations, et elle a déjà fait aussi bien, en matière de téléologie et rétrojection, autant que la “science bourgeoise” dans son ensemble. Considérant que l’Union Soviétique a officiellement commencé son existence en 1922, l’œuvre d’A. Rybakov en onze volumes intitulée: “Histoire de l'URSS de l'Antiquité à nos jours”, restera probablement à jamais comme le plus grand monument à la manipulation idéologique dans l’histoire par rétrojection de la réalité de facto. (Il faut savoir gré à Espilondo d'oser dénoncer, au XXIe siècle, les méfaits d'une bourgeoisie basque non conviée et non réductible à la soupe académique moscovite.)

Ayant épuisé les ressources du droit divin, naturel, historique ou autres pour justifier sa domination, l’idéologie de l’impérialisme nationaliste français-espagnol pose, en premier, le concept “moderne” de la “nation”, et le fondement “démocratique et non-violent” du régime ainsi constitué. Ces “faits”, ces notions et ces valeurs se constituent de façon irrationnelle, prélogique et paralogique. Pour son idéologie Nationaliste, “la Nation” française est Dieu ; et L’Etat français est son prophète. Droit, morale et tout pouvoir viennent de Lui. Hors de lui, pas de salut.

La “démonstration” est établie, dans le meilleur des cas, en prenant appui sur ce qu'on prétend prouver. D'ailleurs à quoi bon démontrer? On démontre ce dont on peut douter; mais qui pourrait mettre en doute l'évidence, c’est-à-dire: l'ensemble de dogmes, mythes, croyances, postulats et axiomes construits et véhiculés par le pouvoir total? “La République une et indivisible par pétition de principe”, dont parlait Larzac, ne vaut plus que le mythe de “la Nation”; mais elle a aussi bien tenu à l'usage.

La présence effective du pouvoir politique institutionnalisé et ses “évidences” : les images, les complexes, les intuitions et les émotions, les symboles, l'habitude, les préjugés et le conditionnement des masses, séculairement imposées par la violence à outrance et par les monopoles de propagande sur une population terrifiée, suffisent pour rendre tout cela opérationnel. (Leur identité mystique et essentialiste est de plus en plus dépourvue d'histoire et de sociologie avouable.)

La carte-fétiche sur le mur de l'école a plus fait, pour fonder la “conscience nationale” depuis l'enfance, que toute connaissance concrète ou abstraite. C'est pour empêcher que la “représentation” (compacte, malgré la morsure portugaise, et toute en jaune) de l'empire espagnol soit “démembrée”, que le Général Franco a déclenché la grande boucherie des Peuples réels et organisé le régime terroriste et totalitaire qui est devenu leur prison. C'est pour que la “représentation” hexagonale et toute en rose de l'empire français continue à intoxiquer les consciences que le Nationalisme français écrase les Peuples et exalte comme des faits glorieux et héros les crimes et les criminels qui l’ont fondé.

Il serait illusoire de croire que le simple rappel des faits historiques ou sociologiques pourrait changer grand-chose. Des fois, des théoriciens nationalistes ont eux-mêmes pris conscience de la nature et les horreurs des conquêtes, et des conséquences matérielles et morales du totalitarisme et l'expansion français sur les autres Peuples, sur sa culture et civilisation. Simone Weil a bien perçu la cruauté et les atrocités proverbiales des forces armées du Royaume de France; la Croisade qui a associé les Roys de France et les Papes pour porter la terreur, les massacres, l’Inquisition, les bûchers, la dévastation, l'extermination et la ruine au Languedoc; l'annexion contre tout droit qui a plongé la Bretagne dans le désespoir; la destruction de l'Etat de Bourgogne; les agressions et les guerres de conquête des Flandres, d'Alsace et de Franche-Comté; les forfaits de Sicile; ou les conséquences qui – en retour et sous la forme de Napoléon – sont venu à France de Corse “après avoir conquis, colonisé, corrompu et pourri les gens de cette île”. (Un malheur similaire, soit dit en passant, à lequel – après avoir subjugué la Géorgie – il est également venu en Russie sous la forme des ‘allogènes russifiés’ dénoncés par Lénine, avec des personnages tels que Staline et Beria.)

Le peuple français est passé du féodalisme à l’absolutisme “brutalement forcé par la corruption et par l’utilisation d’une atroce cruauté”. Pendant tout cette période, “il fut regardé par les autres Européens comme le Peuple esclave par excellence, le Peuple qui était à la merci de son souverain comme un bétail”. “Pendant la Fronde et sous Mazarine, la France, malgré la détresse publique, a respiré moralement. Louis XIV l’a trouvée pleine des génies brillants qu’il a reconnus et encouragés. Mais en même temps il a continué, avec un degré d’intensité bien plus élevé, la politique de Richelieu. Il a ainsi réduit la France, en très peu de temps, à un état moralement désertique, sans parler d’une atroce misère matérielle.” (Simone Weil; ‘L’Enracinement: prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain’, 1949.)

“Les Peuples résistent désespérément à la conquête.” Elle a dégagé le rapport entre les conquêtes et la corruption, ainsi que la répression atroce au sein de ce Royaume absolutiste. Elle a perçu la terreur, la faim, les massacres, la déculturation, l'ennui, la morne uniformité, l’humiliation causées par cet État. Elle a reconnu cet Etat “qui est identiquement ce même Etat inhumain, brutal, bureaucratique, policier”; cette machine “qui – comme le dit Marx – non seulement a subsisté à travers tous les changements mais a été perfectionné et accrue par chaque changement de régime”. Quand les révolutionnaires se sont débarrassés de l'Ancien Régime, tout en gardant son mal “acquis”, “la souveraineté nationale apparut manifestement comme une illusion”.

Selon Weil, “Le passé n'est que l'histoire de la croissance de la France, et il est admis que cette croissance est un bien à tous égards.” “Les conquêtes qu'elle a faites et perdues peuvent à la rigueur être l'objet d'un certain doute, comme celles de Napoléon; jamais celles qu'elle a conservés.” Mais c’est exactement ce qu’elle-même fait ensuite. Sa vision humaniste-mystique-spiritualiste se résout dans une apologie outrée, romantique, prétentieuse et chauvine du Nationalisme français; une apologie accordée à la sacralisation et l'exaltation de l'Etat français et de sa mission “universelle”, inséparable du criminel fait accompli et de la négation impérialiste de la liberté des Peuples. Si tant qu’à un certain moment elle croit nécessaire de remarquer, néanmoins, que “la France n'est pas Dieu”. Voilà qui est rassurant pour le reste du monde!

En réalité, ce sont là des idées auxquelles leurs propagateurs eux-mêmes ne croient pas ou ne croient plus: leur politique et même leurs dires le prouvent désormais amplement. Romantisme et mensonges sur la nature non-violente et la mission civilisatrice du régime que – par l’occupation militaire permanente – l’Espagne et la France ont établies sur le Peuple Basque et son État: le Royaume de Nabarra, ont leurs limites dans la structure idéologique même de domination de classe dont le Nationalisme impérialiste est la forme internationale. Aucun ordre totalitaire moderne ne pourrait survivre si ses dirigeants croyaient vraiment et mettaient en pratique eux-mêmes ce qu'ils inventent pour que les autres le croient. Les National-socialistes espagnols et français (‘si ne suis-je, pourtant, le pire du troupeau’), et leurs enfants “de gauche”, sont actuellement les groupes qui, sous la protection de leurs armées d’occupation, sont responsables du développement et de la mise en œuvre de l’idéologie la plus élaborée qui peut préserver l’impérialisme de la France et de l’Espagne, et avorter la peste de la Liberté des Peuples.

Selon la formulation de Marx-Engels, “La division du travail, dans laquelle nous avons déjà reconnu un des facteurs les plus importants et les plus puissants de l'histoire, se manifeste dans la classe dominante également comme division du travail spirituel et du travail matériel. A l'intérieur de cette classe, l'une des parties fonctionne comme penseurs de cette classe : ce sont ses idéologues actifs et conceptifs, qui ont la spécialité de forger les illusions de cette classe sur elle-même; spécialité dont elles font leur principal gagne-pain. Les autres gardent, en ce qui concerne ces idées et illusions, une attitude plutôt passive et réceptive parce qu’ils sont en fait les membres actifs de cette classe, et ont moins de temps pour faire des illusions et des idées sur eux-mêmes. Cette scission peut même dégénérer en un certain antagonisme et une certaine hostilité des deux parties en présence. Mais dès qu’une collision pratique s’ensôle dans toute la classe, cette opposition disparaît d’elle-même”. (Cette spécialisation n'étant pas rigidement corporativisée, la “contradiction” théorique – mais idéologiquement fonctionnelle – se manifeste aussi en travers et à l'intérieur des groupes et des individus.)

Ils savent tous que sans cette occupation militaire, et sans les misérables traîtres qui composent la bureaucratie liquidationniste Pnv-Eta: qui trompent le Peuple Basque depuis un demi-siècle pour qu’il accepte le régime d’occupation militaire du Second Franquisme et les États impérialistes et colonialistes espagnol et français, tels que les régimes et les États “propres, non-Nationalistes, non-violents, légitimes et démocratiques” ; que sans cette réalité – nous disons – d’oppression, corruption et abrutissement du Peuple sous les monopoles de la violence criminelle et d’intoxication idéologique, leur domination ne pourrait être maintenue. Il est donc temps de présenter les bases idéologiques et stratégiques qui permettent au Peuple Basque de se libérer de la domination impérialiste de la France et de l’Espagne, tels qu’ils ont été énoncées dans le Manifeste du Mouvement Basque de Résistance et de Salut National.

https://nabarrakoerresuma.blogspot.com/2021/03/manifeste-du-mouvement-basque-de.html

Comentarios

Entradas populares de este blog

Regeneración política, frente a nuevos “debates electorales” bajo el fascismo

EL ABERRI-EGUN, O LA UNIDAD ESTRATÉGICA DEL PUEBLO VASCO

Ideología del colaboracionismo “vasco”: “vía institucional y lucha armada” (XXVI)